Les responsables humanitaires de l’ONU ne prendront part à aucune proposition unilatérale visant à créer des « zones de sécurité » à Gaza − Déclaration des directeurs du Comité permanent interorganisations
16 novembre 2023
New York/Genève/Rome – En tant que responsables humanitaires, notre position est claire : nous ne participerons pas à la création de « zones de sécurité » à Gaza sans l’accord de toutes les parties, tant que certaines conditions ne seront pas remplies pour garantir la sécurité et assurer d’autres besoins essentiels, et tant qu’un dispositif n’aura pas été instauré pour superviser la mise en place de telles zones.
Dans les conditions actuelles, toute proposition visant à créer unilatéralement des « zones de sécurité » à Gaza pourrait porter préjudice aux civils, voire causer des décès en nombre, et doit par conséquent être rejetée. En l’absence de conditions propices, le fait de concentrer des civils dans ces zones peut faire courir à ces personnes un risque accru d’attaque et de préjudices supplémentaires dans le contexte d’affrontement actuel. Aucune « zone de sécurité » n’est véritablement sûre lorsqu’elle est décrétée unilatéralement ou dès lors que cette sécurité est assurée par la présence de forces armées.
Toute discussion sur des « zones de sécurité » ne doit pas faire oublier l’obligation pour les parties en présence d’épargner les civils − où qu’ils se trouvent − et de répondre à leurs besoins fondamentaux, notamment en facilitant un acheminement rapide, sûr et sans entrave de l’aide humanitaire à toutes les personnes qui en ont besoin.
Les combats intenses et la destruction massive des infrastructures civiles à Gaza ont entraîné d’importants déplacements de civils. Le nombre de personnes déplacées s’élève actuellement à près de 1,6 million. La population civile de Gaza doit pouvoir accéder à l’essentiel dans plusieurs domaines − nourriture, eau, abri, hygiène, santé, assistance et sécurité notamment − pour survivre. Il est impératif que les organisations humanitaires puissent avoir accès à du carburant en quantité suffisante pour apporter une aide et fournir des services de base. Nous restons attachés à l’assistance et à la protection des personnes civiles et autres personnes protégées où qu’elles se trouvent. Le personnel humanitaire doit pouvoir se déplacer librement pour accomplir sa mission, sous réserve des dispositions du droit international humanitaire.
Aucune des organisations humanitaires que nous représentons n’a participé à une initiative visant à préparer l’arrivée de personnes déplacées dans une éventuelle « zone de sécurité » − ou « zone humanitaire » − à Gaza.
Une « zone de sécurité » est une zone temporaire dont le but est d’assurer la sécurité des civils et de les protéger en les tenant à l’écart des combats. Pour pouvoir installer des personnes déplacées dans une « zone de sécurité », les conditions suivantes doivent être remplies :
- Les parties doivent s’abstenir de mener des combats à l’intérieur et aux alentours de la zone de sécurité et respecter le caractère civil de cette zone.
- Les personnes se trouvant dans la zone doivent pouvoir bénéficier de l’essentiel pour survivre dans plusieurs domaines − nourriture, eau, abri, hygiène, santé, assistance et sécurité.
- Ces personnes doivent pouvoir se déplacer librement et retourner volontairement chez elles dès que les circonstances le permettent.
Le non-respect de ces conditions élémentaires peut constituer une violation du droit international humanitaire et des droits de l’homme.
Nous [1] renouvelons également notre appel à un cessez-le-feu humanitaire pour soulager les souffrances de la population et pour faciliter les opérations humanitaires ainsi que la libération de tous les otages.
Les différents points de cette déclaration ont été développés par le coordonnateur des secours d’urgence dans une déclaration du 15 novembre 2023.
Signataires :
- M. Martin Griffiths, Coordonnateur des secours d'urgence et Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, (OCHA)
- Mme Sofia Sprechmann Sineiro, Secrétaire générale, CARE International
- Mme Jane Backhurst, Présidente du Conseil d'administration du Conseil international des agences bénévoles (ICVA) pour Christian Aid
- M. Jamie Munn, Directeur exécutif, Conseil international des agences bénévoles (ICVA)
- Mme Anne Goddard, Directrice générale et Présidente par intérim, InterAction
- Mme Amy E. Pope, Directrice générale, Organisation internationale pour les migrations (OIM)
- Mme Tjada D’Oyen McKenna, Directrice générale, Mercy Corps
- M. Volker Türk, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (OHCHR)
- Mme Janti Soeripto, Présidente et Directrice générale, Save the Children
- Mme Paula Gaviria Betancur, Rapporteuse spéciale sur les droits humains des personnes déplacées dans leur propre pays (OHCHR)
- M. Achim Steiner, Administrateur, Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)
- Dr. Natalia Kanem, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP)
- M. Filippo Grandi, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR)
- Mme Maimunah Mohd Sharif, Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat)
- Mme Catherine Russell, Directrice générale du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF)
- Mme Sima Bahous, Secrétaire générale adjointe des Nations Unies et Directrice exécutive, ONU Femmes
- Mme Cindy McCain, Directrice exécutive, Programme alimentaire mondial (PAM)
- Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général, Organisation mondiale de la Santé (OMS)
[1] L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) soutient pleinement cette déclaration.