Par Odette Kabaya et
Les employeurs africains pour l’égalité des sexes
26 novembre 2018
L’Afrique compte plus de 700 entreprises qui ont un chiffre d’affaires supérieur à 500 millions de dollars EU, dont 400 présentant un chiffre d’affaires dépassant le milliard de dollars EU. La capacité de ces entreprises à prospérer repose sur la formation et la rétention de femmes et d’hommes de talent. Autonomiser les employés, les fournisseurs, les distributeurs et les clients, hommes comme femmes, et veiller à ce qu’ils réussissent, ce n’est pas qu’une obligation du point de vue des droits de l’homme, c’est aussi une démarche judicieuse pour les affaires. Une démarche qui constitue de plus en plus un volet essentiel de la mission et des valeurs des entreprises.
La participation du secteur privé est essentielle à l’égalité des sexes
L’approfondissement de la collaboration avec le secteur privé, grandes et petites entreprises confondues, est crucial pour la réalisation du Programme de développement à l’horizon 2030 (ODD). Il est tout à fait possible d’atteindre, entre autres, les cibles liées au plein emploi productif et au travail décent pour toutes les femmes et tous les hommes, au salaire égal pour un travail de valeur égale (ODD 8) et à l’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et filles (ODD 5).
La croissance des emplois dans les secteurs de la vente au détail, de l’agroalimentaire, de la santé, des services financiers, de l’industrie légère et de la construction a déjà des effets sur les populations. Les entreprises peuvent promouvoir le développement durable et l’autonomisation économique des femmes en choisissant de mener leurs activités de telle sorte que les hommes et les femmes puissent y contribuer et en bénéficier également. En inscrivant l’égalité des sexes au cœur des pratiques commerciales, le secteur privé peut être un moteur de progrès économiques et sociaux qui profitent à tous.
Des lacunes demeurent
Malgré les progrès accomplis, les disparités persistent entre les sexes, et les perspectives qui s’offrent aux femmes dans le monde du travail sont loin d’être égales à celles qui se présentent pour les hommes. Aujourd’hui, un plus grand nombre de femmes sont instruites et participent au marché du travail, et l’on a de plus en plus conscience qu’une plus grande égalité des sexes contribue à réduire la pauvreté et à stimuler le développement économique. Pour autant, six femmes sur dix font partie de la population active contre sept hommes sur dix, et le taux de chômage des femmes (8,2 %) est supérieur à celui des hommes (6,4 %). Pour chaque dollar qu’un homme gagne dans le secteur manufacturier, dans le secteur des services et dans celui des échanges commerciaux, les femmes ne gagnent que 70 cents.
Des opportunités existent
À l’échelle mondiale, la promotion de l’égalité des sexes pourrait faire progresser le PIB de 12 % d’ici à 2025, ce qui se traduirait par un surcroît de production économique se chiffrant à 300 millions de dollars EU en Afrique subsaharienne. Il ressort du rapport du PNUD sur la réduction des écarts entre les hommes et les femmes en matière de travail et de ressources productives en Afrique que si le taux de participation des femmes au marché du travail était égal à celui des hommes, 74,4 millions de femmes de plus feraient leur entrée sur ce marché, et la production économique augmenterait de 962 milliards de dollars EU. Le fait de combler les disparités entre les sexes en ce qui concerne la participation à la population active, le travail rémunéré, l’emploi et la productivité pourrait contribuer à accroître la production économique de 3 % à 16 %.
Obstacles à surmonter
Au nombre des obstacles profondément enracinés qui empêchent les femmes de donner la pleine mesure de leur potentiel sur le lieu de travail figurent les emplois à faible rémunération, le nombre limité de moyens d’expression de leurs préoccupations et les barrières structurelles et culturelles à leur avancement professionnel. Il s’agit notamment des écarts en matière d’éducation, des stéréotypes, du manque de modèles féminins, de l’absence de solutions viables pour la garde des enfants et de congés de maternité décents, ainsi que des risques qui pèsent sur la sécurité et la sûreté des femmes. En Afrique subsaharienne, 22 pays seulement respectent la norme de l’OIT de 14 semaines de congé de maternité rémunéré ou font mieux.
Les femmes dans les secteurs à prédominance masculine tels que le secteur minier sont exposées au harcèlement, à la violence sexiste et à une inclusion limitée dans les chaînes de valeur. Les normes sociétales attribuent principalement aux femmes et aux filles la responsabilité de prendre soin de la famille et d’exécuter le travail domestique, aussi consacrent-elles en moyenne deux fois plus de temps que les hommes à ces activités.
L’autonomisation des femmes est une bonne chose pour les affaires et les moyens de subsistance
Unilever augmente ses profits grâce à son Plan pour un mode de vie durable qui intègre l’égalité des sexes dans son modèle commercial. Les femmes représentant plus de 70 % des consommateurs de cette société, l’augmentation de leurs revenus permet d’accroître la consommation, et l’autonomisation des micro-entrepreneuses qui vendent des produits Unilever attire de nouveaux clients, dont beaucoup dans les zones pauvres et rurales.
Cinquante entreprises en Ouganda et au Rwanda ont entrepris d’autonomiser les femmes et de réaliser les ODD à travers le Programme de certification du sceau de l’égalité des sexes du PNUD destiné au secteur privé (Sceau de l’égalité des sexes). L’initiative Sceau de l’égalité des sexes certifie qu’une entreprise promeut et intègre des mesures qui favorisent l’égalité des sexes dans sa gouvernance et ses « bonnes pratiques ». Il s’agit d’un programme qui a été lancé en 2009 et que le PNUD expérimente en Amérique latine afin de fournir des outils, des orientations et des évaluations dans l’optique de résorber les écarts de rémunération fondés sur le sexe, accroître le rôle des femmes dans la prise de décision, améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, élargir l’accès des femmes aux emplois non traditionnels, éradiquer le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et recourir à une communication inclusive et non sexiste.
Les entreprises participantes modifient leur culture organisationnelle, déplacent le curseur des normes culturelles et des attentes de la société et offrent plus d’égalité de chances aux hommes et aux femmes sur le lieu de travail en mettant en place un système de gestion de l’égalité des sexes (SGES). Les résultats en sont l’avancement professionnel des femmes, une plus grande participation de ces dernières dans les instances dirigeantes et l’amélioration de la gestion des ressources humaines, de la planification stratégique et de la communication.
Alors que de plus en plus d’organisations publiques et privées en Gambie, en Afrique du Sud et en Éthiopie collaborent avec le PNUD pour promouvoir l’égalité des sexes, le PNUD en Afrique a pour sa part entrepris de constituer un groupe d’experts en Sceau de l’égalité des sexes pour l’Afrique. La collaboration interrégionale avec l’Amérique latine porte notamment sur la formation de formateurs et l’adaptation des outils, des initiatives qui ont cours en novembre 2018 à Kampala, en Ouganda, à l’intention d’experts venus de 14 pays.