Par S.E. Josefa Leonel Correia Sacko, Commissaire à l'Economie rurale et à l'agriculture, Commission de l'Union africaine; Dr. Siga Fatima Jagne, Commissaire aux Affaires sociales et au Genre, CEDEAO; Njoya Tikum, Manager, Centre sous-régional pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, PNUD
Cette année, la Journée internationale pour la réduction des risques de catastrophe (13 octobre) est l’occasion de souligner que sans institutions, politiques et cadres de collaboration, entre tous les acteurs chargés de la réduction des risques de catastrophe, même les meilleurs plans et stratégies échoueront.
Ce 13 octobre marque le 273ème jour depuis que le premier cas de COVID-19 en Afrique a été enregistré en Égypte le 14 février. Il ne reste que 78 jours d’ici la fin de l’année 2020, qui semble être tout sauf une année normale. Pourtant, pour les millions d'Africains vivant dans les communautés fragiles et pauvres, la COVID-19 a été une crise parmi toutes celles qui ont affecté leurs vies et leurs moyens de subsistance. Rien qu'en septembre, des inondations causées par des pluies torrentielles après une longue sécheresse ont détruit les biens et les moyens de subsistance de millions de personnes au Burkina Faso, en Mauritanie, au Niger, au Nigéria, au Tchad et au Sénégal.
La pandémie a brutalement révélé les inégalités structurelles qui ont rendu les communautés de la région du Sahel occidental et du bassin du lac Tchad de plus en plus vulnérables aux impacts du changement climatique et d'une instabilité et violence croissantes. Dans le contexte du cercle vicieux des crises humanitaires sur fond de conflit prolongé et de pauvreté, les catastrophes continuent d’éroder la capacité des communautés à faire face aux chocs et à reprendre la voie du développement durable.
Alors que le monde cherche à trouver un moyen d'arrêter la pandémie, les sociétés et les nations doivent faire face aux conséquences économiques de la pandémie à long terme, telles que leur (in) capacité à atteindre les Objectifs de développement durable des Nations Unies ou ceux de l’Agenda 2063 de l'Union africaine. Le rétrécissement de l'espace budgétaire dans la plupart des pays et les réductions prévues de l'aide au développement présentent une image sombre. Cela représente néanmoins une opportunité de repenser notre trajectoire de développement.
Pour le Sahel, terre d'espoir, cela signifie investir dans des solutions de développement durable, afin que les communautés locales puissent non seulement se remettre des crises mais mieux résister aux futurs chocs. La vision d’un avenir plus vert n'est pas un impératif moral mais une nécessité existentielle. La relance socio-économique après les crises doit viser la création d'emplois verts, notamment pour les jeunes, et une utilisation plus large des énergies renouvelables, permettant d’offrir une meilleure qualité de vie à 70% des habitants de la région grâce à une électricité fiable.
La COVID-19 est également un rappel brutal de la nécessité urgente de faire face conjointement aux risques multiples qui surviennent dans des contextes fragiles comme celui de la région du Sahel. La mondialisation a ancré la nature systémique et interconnectée des risques de catastrophe dans un monde confronté aux défis sans précédent d'une urgence climatique et d'une pandémie à part entière.
Nous ne devons pas oublier les leçons du passé. Malgré l'épidémie d'Ebola qui a frappé l’Afrique de l'Ouest et centrale ces dernières années, peu de pays ont inclus les risques biologiques, tels que les risques de pandémie, dans leurs stratégies nationales et locales de réduction des risques de catastrophe. La COVID-19 nous apprend qu'il est temps d'agir de manière décisive face aux dangers biologiques en appliquant une approche de gestion intégrée des risques.
Si on ne peut pas éviter les catastrophes, il faut être en mesure de s'y préparer, d’en réduire leur impact et de s’en remettre rapidement. L'appel à la solidarité mondiale, au multilatéralisme et à la coopération régionale ne doit pas se limiter à la COVID-19.
Pour que le développement soit durable, nos actions doivent prendre en compte les multiples risques auxquels une région est exposée. Que ce soit dans notre lutte contre la pandémie ou le changement climatique, cela implique de reconnaître le rôle critique de la science et de promouvoir la collecte d’information, l'analyse et l'utilisation systématique des risques dans la prise de décision.
Pour renforcer la résilience au Sahel, la réduction des risques de catastrophe ne peut plus être une réflexion après coup. Elle doit être ancrée dans l'ADN de la planification du développement et des décisions d'investissement à tous les niveaux – du global au loca l– et par tous les acteurs, du public au privé. Une telle approche à l'échelle de la société nécessite des institutions fortes et inclusives dotées de politiques claires et d'un personnel professionnel qualifié pour conduire la transformation vers un avenir durable et résilient.
Les partenariats sont essentiels à la réduction des risques de catastrophe, ainsi qu’à l’adaptation et à la résilience dans la région du Sahel. Avec le Projet de résilience au Sahel, l'Union africaine (UA), la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ont formé un partenariat afin de soutenir les institutions régionales et nationales dans la gestion des catastrophes et la promotion de solutions de développement durable prenant en compte les risques.
Cette initiative financée par la Suède et le PNUD à hauteur de 7,5 millions de dollars américains, favorisera l'action coordonnée des institutions régionales en charge de la réduction des risques de catastrophe – la Commission de l'Union africaine, la CEDEAO, la Commission du bassin du lac Tchad, des agences spécialisées telles qu’AGRHYMET et le consortium universitaire Peri Peri U – en collaboration avec ONU Femmes et le PNUD.
Ces institutions se concentreront sur le renforcement des cadres réglementaires, politiques et budgétaires de la gouvernance des risques de catastrophe aux niveaux régional et national ; sur la promotion des processus de relèvement en tenant compte des risques sous-jacents de catastrophe et de changement climatique ; et sur la gestion des risques urbains.
Au niveau national, ces institutions appuieront les stratégies de réduction des risques de catastrophe et le renforcement de la résilience mises en œuvre par les gouvernements du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Nigéria, du Tchad et du Sénégal, ainsi que leurs engagements dans le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe et le Programme d’action pour la mise en oeuvre du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030.
Chaque année, 25 millions de personnes sont déplacées par des événements climatiques et météorologiques. La réduction des risques de catastrophe nécessite l'engagement de l'ensemble de la société pour développer et mettre en œuvre avec succès des stratégies régionales, nationales et locales. Ces stratégies doivent permettre de réduire les risques, de se préparer et de répondre aux catastrophes, et de s’en remettre. À ce jour, 86 États membres des Nations Unies ont déclaré avoir commencé à travailler sur ces stratégies.
En cette Journée internationale pour la réduction des risques de catastrophe, nos pensées vont vers les précieuses vies perdues dans la pandémie de COVID-19 et d'autres crises, et nous réitérons notre engagement à travailler ensemble pour renforcer la résilience des communautés sahéliennes et garantir leur droit à un avenir durable.
#ItsAllAboutGovernance #DRRday