Au Tchad, Zara Abdoulaye veut nourrir sa communauté

Zara Abdoulaye rêve que les rives du lac Tchad redeviennent un havre de paix. Pour y parvenir, cette femme de 53 ans, mise sur le développement économique et notamment la pêche. Car les eaux du lac Tchad, situé à la frontière du Tchad, du Nigéria, du Cameroun et du Niger, sont particulièrement poissonneuses. Pour elle comme pour les quelque 30 millions de personnes qui vivent autour de cette immense étendue d’eau douce, la pêche est un moyen essentiel de subsistance.

12 août 2024
a person in a blue dress standing next to a body of water

Chad

Photo: UNDP WACA

Zara est la co-présidente du comité local de pêche des femmes de Mittériné, un village d’environ 12 000 habitants situé dans la province de Hadjer-Lamis, à l’ouest du pays. Elle et les autres femmes du village ont l’espoir d’un avenir meilleur pour elles et leur communauté, dans une région confrontée aux défis du changement climatique et à l'insécurité. Depuis près de 50 ans, la désertification assèche le Lac Tchad, et au début des années 2010 les groupes armés comme Boko Haram, ont installé un climat de terreur et de violence dans la zone.

Un lac nourricier

Chaque matin ou presque, alors que le soleil se lève à peine sur l’immensité du lac Tchad, Zara Abdoulaye embarque à bord des grandes pirogues caractéristiques de la région en compagnie d’hommes et femmes du village. Pendant plusieurs heures, ils vont lancer leurs filets. Ce jour-là, la pêche est bonne : plusieurs kilos de carpes, de capitaines ou de silures. « Je suis heureuse à chaque fois que j’attrape de gros poissons », se réjouit Zara, une belle prise à la main, sous les you-you des autres pêcheuses avec qui elle forme un collectif. « Sur mon bateau, je me sens bien. Le lac, c'est ce qui nous nourrit. Avant, c'était quasi  impossible de pêcher à cause des groupes terroristes », ajoute Zara.

Après la pêche, Zara et son collectif prennent la direction du marché pour vendre leur marchandise fraîche. Grâce au petit pécule durement gagné chaque jour, l’entrepreneuse peut subvenir aux besoins de sa famille et de ses quatre enfants et cinq petits-enfants. 

« Je me sens respectée et utile pour la communauté. C’est la même chose pour les autres femmes »
Zara Abdoulaye, co-présidente du comité local des femmes de pêche à Mittériné, province occidentale de Hadjer-Lamis

Pourtant, Zara n’a pas toujours été pêcheuse. Dans le passé, elle était agricultrice de riz et de maïs, mais une série d’inondations ont détruit ses terres agricoles.

Des femmes soutenues par le PNUD

Pour Zara et les autres habitants des rives du lac Tchad, la pêche est donc primordiale pour assurer la survie au quotidien. Pour le Programme des Nations Unis pour le Développement, le PNUD, il est essentiel de soutenir ces femmes, d’autant plus que c’est un métier qui a longtemps été réservé aux hommes. Depuis 2021, l’institution accompagne le groupement de femmes pêcheurs que co-préside Zara. « On m’a transmis des connaissances, j’ai reçu des formations et du matériel. Maintenant je suis une vraie pêcheuse », remercie-t-elle. Parmi les dotations du PNUD “des intrants de pêche, tels que des hameçons et des filets de pêche respectueux de l’environnement, des caisses isothermes de stockage de poissons , des canots et un moteur turbo pour les hors-bord”, énumère Charles M’Back, chef du programme de stabilisation au niveau du PNUD Tchad. L’organisation a également dispensé des formations aux petits agriculteurs sur la façon de préserver l’écosystème du lac.

« Ces formations ont été étendues aux forces de sécurité en matière de droits de l’homme et de lutte contre les violences basées sur le genre. Cela a beaucoup ramené la confiance au sein de la communauté »
Charles M'Back, chef du programme de stabilisation au niveau du PNUD Tchad

Accompagner ces femmes a permis leur émancipation. Grâce aux recettes de la vente de ses prises, Zara a lancé un petit commerce de produits agricoles et maraîchers ainsi que d’épices. De plus, une partie de ses économies lui ont permis d’envoyer sa dernière fille à l’école dans le village voisin. “Au PNUD, nous savons que les femmes jouent un rôle crucial dans les milieux marins et les économies de la pêche, en particulier dans le secteur de la pêche artisanale et à petite échelle, bien que leur contribution soit parfois invisible et non reconnue”, reprend Charles M’Back. Un rôle désormais de plus en plus important à Mittériné et sur les rives du lac Tchad.

Zara Abdoulaye et les autres pêcheuses en ont bien conscience, la prospérité économique s’accompagnera irrémédiablement de la paix. « Que nous ayons un avenir est important pour la stabilité et la sécurité. C’est ainsi que nous pourrons nous développer. Le Sahel a tellement de potentiel, sans la paix, tout cela n’est pas possible », conclut-elle.