"Dès la fin de mes études, j'ai su ce que je voulais faire, c'était très clair pour moi. J'ai senti que c’était mon devoir de travailler et d'éduquer les gens sur la question de la protection de l'environnement. C'était profondément ancré en moi".
Yasmine, comme beaucoup de jeunes algériens et de jeunes algériennes, ne manquait ni de motivation ni d'énergie à la fin de ses études.
Or, en Algérie, le chômage des jeunes est un défi de taille, un enjeu économique et social de première importance. Malgré des politiques gouvernementales qui accordent une grande priorité à la création d'emplois pour les jeunes ainsi qu'au développement des start-ups et au soutien des micro-entreprises émergentes, le chômage des jeunes (16-24 ans) s'élevait à un taux alarmant de près de 30 % en 2020 (contre 11,4% de la population active). Les jeunes femmes sont particulièrement touchées et un tiers d'entre elles (32,1 %) âgées de 18 à 24 ans ne sont « Ni scolarisées, ni en emploi, ni en formation » (NEET), contre 20,4 % des jeunes hommes de la même tranche d'âge, selon les données de 2019. Chaque année, approximativement 300 000 nouveaux demandeurs d'emploi arrivent sur le marché du travail. Malheureusement, seuls quelques-uns d'entre eux trouvent un emploi et même les diplômé.e.s universitaires ne sont pas protégé.e.s contre le chômage.
Si la plupart des jeunes, et surtout des jeunes femmes, ont tendance à rêver d'un emploi dans le secteur public, perçu comme un choix de carrière plus sécurisé, certain.e.s, comme Yasmine, ont choisi une voie différente, un peu plus audacieuse. Juste après avoir terminé sa maîtrise universitaire en Ecologie et Protection de l'environnement, elle a décidé de combiner son engagement envers la protection de l'environnement avec son désir de devenir financièrement indépendante. Elle a rejoint les rangs des femmes qui ont choisi de devenir entrepreneures en Algérie (seulement 11% des personnes dans la catégorie "indépendant ou employeur" sont des femmes) en créant sa propre entreprise. Recycloplast se concentre sur le recyclage des déchets plastiques, et répond ainsi à un énorme problème environnemental en Algérie, où les politiques de gestion des déchets sont encore très limitées.
Malgré sa forte motivation pour apporter des changements tangibles et durables dans sa communauté locale, Yasmine a rapidement été confrontée à plusieurs défis. En dépit de sa réussi à obtenir les financements pour monter son entreprise _déjà un exploit compte tenu des difficultés souvent rencontrées par les femmes entrepreneures pour accéder au capital financier_ elle dut rapidement faire face à des problèmes d’ordre technique pour faire fonctionner son entreprise. En effet, en raison de l'absence de tri sélectif en Algérie, il lui était très difficile d’accéder à la matière première nécessaire au fonctionnement de son entreprise de recyclage. De plus, comme tant de jeunes Algériens, elle a fait l'expérience directe de l'inadéquation entre les compétences offertes par le système éducatif et les compétences requises par le marché du travail.
Dans sa ville de Médéa, située à quelque 90 km au sud-ouest d'Alger, Yasmine s'est alors rendu à l'ANADE, l'agence publique pour l'emploi qui accompagne également les jeunes entrepreneur.e.s dans leur projet, pour se faire conseiller. Là-bas, on lui a parlé d'un projet du PNUD visant à soutenir de jeunes entrepreneur.e.s porteurs.es d'idées innovantes et durables comme la sienne. Le projet, piloté par le ministère algérien du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale et le PNUD Algérie, grâce à un généreux financement du gouvernement du Japon, visait à améliorer les capacités des institutions locales à mieux soutenir les activités génératrices de revenus à fort impact social et environnemental, qui pourraient également encourager le développement d’emplois et le développement économique au niveau local. Ce programme visait également à renforcer les compétences et les capacités de jeunes entrepreneur.e.s tels que Yasmine plus directement, par le biais de formations au développement des entreprises et d'activités de renforcement des capacités.
Ainsi, aux côtés des 45 jeunes entrepreneur.e.s qui ont participé à cette formation, Yasmine a pu développer ses compétences entrepreneuriales et s'initier aux bonnes pratiques en gestion d'entreprise. Elle faisait également partie des dix participants qui se sont rendus en Italie pour participer à un voyage d'étude organisé au Centre international de formation de l'OIT à Turin.
"J'ai appris à être et à agir en leader, à traiter avec mes clients et mes employés, à rester motivée, à prendre des décisions, à prendre des risques. Ma vision s'est élargie".
A l'issue de la formation, son entreprise a signé un contrat avec le centre d'enfouissement technique des déchets de la ville, pour mettre en place un système de valorisation de la matière première des déchets recyclables (principalement du plastique), lui permettant ainsi de pouvoir alimenter son activité et d'avoir un impact à plus long terme sur l'environnement. Son entreprise s'est également considérablement développée, passant d'une micro à une petite entreprise. En effet, avant de participer à la formation, elle n'avait que trois employés. Son entreprise fournit maintenant un emploi à 13 personnes.
Pour accroître l'impact positif de son entreprise sur l'environnement, Yasmine participe également à des foires et expositions pour sensibiliser le public aux questions de protection de l'environnement.
Interrogée sur l'avenir, elle est plutôt confiante et reste motivée pour relever d'autres défis, comme celui d’encourager l'emploi des femmes dans un secteur ‘non traditionnel’ :
"J'aimerais voir l'entreprise s’agrandir, étendre mon activité à toute l'Algérie, et pourquoi ne pas avoir plus de femmes à mes côtés ?"
Grâce à ce projet, le PNUD a pu soutenir le gouvernement algérien dans la création d'emplois durables et décents et la promotion de solutions intégrées de développement local, contribuant ainsi aux progrès vers la réalisation des ODD 5, 8, 9 et 12.
De plus, les activités de ce projet ont contribué à construire les bases d'un écosystème entrepreneurial plus inclusif et durable, et à créer un terreau fertile pour le développement du secteur de l'Economie Sociale et Solidaire en Algérie. Cette nouvelle manière d'appréhender le développement socio-économique, plus respectueuse des préoccupations sociales et environnementales, et mieux à même de répondre aux priorités socio-économiques de l'Algérie a été au cœur d'un autre projet financé par le Japon mis en œuvre par le PNUD Algérie en 2020 et 2021 Ce projet a stimulé la mise en œuvre d'initiatives innovantes menées par des jeunes et des femmes, initiatives qui ont su montrer que l'économie sociale et solidaire pouvait être une réponse réaliste aux défis économiques, environnementaux et sociaux auxquels l'Algérie est actuellement confrontée.