J’ai visité la Namibie dans le cadre d’un Guide mondial de l’écotourisme que j’écrivais en tant que jeune journaliste au Japon. L’attrait d’une destination touristique vient avant tout des atouts de sa nature et de ses humains. La Namibie, outre ses paysages naturels extraordinaires, peut aussi compter sur la participation communautaire pour ses efforts de conservation. Si l’écotourisme peut sembler frivole, les statistiques indiquent qu'il s'agit en fait de l'une des industries humaines les plus influentes et les plus porteuses au monde.
Investir dans des communautés qui protègent la nature
Le tourisme représente aujourd’hui 10,3% du PIB mondial, soit plus que l'agriculture. Rien qu'en 2019, le tourisme créait un nouvel emploi sur quatre. La contribution économique du tourisme de faune est tout aussi impressionnante : en 2018 elle s’élevait à 343,6 milliards de dollars (0,4% du PIB mondial) et comptait 21,8 millions d'emplois dans le monde, ou 6,8% du total des emplois dans le secteur des voyages et du tourisme. En Afrique, on parle de 36,3%.
Le secteur est aussi au cœur de milliers de projets de conservation qui ont généré des emplois et des revenus, autonomisant les femmes et les hommes des zones rurales. Il est en cela devenu un argument central dans le débat entre « conserver ou exploiter ».
En Namibie toujours, le tourisme est principalement axé sur la nature et s’affirme, avec 15,4% de l'emploi total et 14,7% du PIB national, comme le deuxième secteur économique du pays. Il se pose au cœur de la stratégie nationale de réduction de la pauvreté et de conservation de la biodiversité.
Pres de la moitié de la superficie du pays est inscrite dans une gestion axée sur la conservation - et 20% des terres accueillent 86 réserves naturelles abritant des éléphants, des lions ainsi que la plus grande concentration mondiale de rhinocéros noirs et de guépards. Les communautés environnantes bénéficient de cette riche biodiversité, dont ils tirent profits, emplois et opportunités. Conscient de ces atouts, les braconniers sont devenus depuis les protecteurs de la faune.
Le coup d’arrêt Covid-19
Avec les confinements et la fermeture des frontières, c’est aussi la fin d'une bouée de sauvetage économique pour des centaines de millions de personnes. Le Conseil mondial du voyage et du tourisme (WTTC) estime (lien en anglais) que jusqu'à 75 millions d'emplois sont à risque immédiat et prévoit une perte économique pouvant atteindre 2,1 billions de dollars.
En Namibie, cela signifie la perte de 3,2 millions de dollars US de recettes touristiques annuelles et une perte supplémentaire de 3,5 millions de dollars de salaires pour le personnel des réserves. Gardes communautaires comme personnel de conservation : des dizaines de milliers d'emplois sont menacés.
Trois décennies d’efforts de conservation communautaire sont menacées en Namibie, tout comme ailleurs en Afrique ou dans le reste du monde). C’est pourquoi The Lion’s Share vient d’annoncer un appel pour des subventions d’urgence (COVID Emergency Grants – en anglais) afin de renforcer la résilience des communautés.
Un braconnage en hausse
COVID-19 est une crise de santé, de développement et une crise économique – pour le secteur du tourisme et tous les efforts de conservation qui en dépendent. Une augmentation du braconnage a été déjà signalée dans ces mêmes communautés qui ont perdu leur emploi. Et voilà que nous revenons à la source du problème : la perte de la biodiversité et le trafic d'espèces sauvages sont à l'origine de l'émergence de maladies infectieuses liées aux animaux (zoonotiques), telles que les coronavirus.
Le Forum économique mondial a classé la perte de la nature parmi les principaux risques mondiaux. La pandémie actuelle nous démontre pourquoi. Or, à l’heure actuelle, les acteurs internationaux débattent surtout du relèvement post-COVID-19 et de la manière dont chacun peut reconstruire son économie, et réorienter sa reprise vers un développement durable.
Compte tenu de son immense contribution à la réduction de la pauvreté et à la conservation de la biodiversité, le secteur du tourisme axé sur la nature et la faune doit être considéré comme une entreprise employant des dizaines de millions de personnes, dont beaucoup sont vulnérables et vivent dans des zones rurales. Cette pandémie affecte directement et sérieusement au moins 100 millions de personnes qui dépendent de l'écotourisme. Un vrai soutien est nécessaire pour ce secteur, et pas seulement pour les compagnies aériennes, les grandes exploitations agricoles et les sociétés.
Le relèvement post- COVID-19 se doit d’inclure cet investissement. La nature est à la base de la survie, du bien-être et du développement durable des populations.
Une nature en bonne santé nous fournit l'air, l'eau et la nourriture, autant de « vaccins naturels » qui diminuent la fréquence et l'intensité des futures épidémies. De quoi économiser des milliards de dollars au cours des prochaines décennies et éviter la misère pour autant de personnes.