Article conjoint du PNUD, de l’ONU Femmes et de l’OCDE
Nous mettre sur la voie d'une reprise verte et sensible au genre après la COVID-19
7 mars 2022
Le thème de la Journée internationale de la femme de cette année, « L'égalité des sexes aujourd'hui pour un avenir durable », met l'accent sur le rôle des femmes et des filles dans la lutte contre le changement climatique. Pourtant, la Journée internationale de la femme se déroule une nouvelle fois en pleine pandémie de COVID-19. La féminisation de la pauvreté ne cesse de croître, l'urgence climatique s'aggrave, les conflits et la violence font rage, et le déploiement international de vaccins ne progresse pas assez vite.
Dans le contexte de la pandémie, les mesures gouvernementales d'urgence et les plans de relance ont joué un rôle clé pour soutenir les ménages et les entreprises tout au long de la pandémie, mais ont largement ignoré le sort des femmes. Dans le même temps, des crises environnementales se profilent en toile de fond. Alors que les pays s'efforcent de se remettre de la COVID-19, les gouvernements ont une occasion unique de prendre des mesures en faveur de sociétés plus équitables, plus vertes et plus justes envers les femmes, un objectif auquel la plupart d'entre eux ont adhéré au début de la pandémie.
Pour en faire une réalité, nous devons réorienter les aides fiscales et autres vers des investissements productifs et des modes de consommation et de production durables qui favorisent l'égalité des sexes et renforcent une croissance inclusive et durable. Il est également impératif d'aligner les mesures politiques sur les objectifs de développement durable (ODD) et sur l'objectif de zéro émission nette en 2050 que de nombreux pays se sont engagés à atteindre. Placer les droits des femmes et des filles au centre des transitions vers des économies vertes offre la possibilité de s'attaquer aux inégalités sous-jacentes et de garantir un avenir plus égalitaire et durable pour tous.
Le lien entre le genre et l'environnement dans les politiques de relèvement
Considérer le lien entre le genre et l'environnement dans ce contexte peut nous aider à repenser les tactiques actuelles de réponse à la pandémie et à réagir de manière plus innovante avec une approche intégrée qui tient compte des impacts et des liens entre les mesures de rétablissement, l'action climatique et l'égalité des sexes. Dans un premier temps, il est essentiel de comprendre comment la dégradation de l'environnement, les catastrophes naturelles ou le changement climatique affectent les femmes différemment des hommes en raison de différents facteurs socio-économiques et autres facteurs discriminatoires. Par exemple, les femmes sont plus susceptibles que les hommes de perdre leurs moyens de subsistance, en particulier dans les régions en développement, en raison de l'augmentation de l'incidence des risques naturels tels que les sécheresses, les glissements de terrain, les inondations ou les ouragans. Dans le même temps, il est essentiel d'examiner comment la réalisation d'une transition nette zéro peut élargir les opportunités économiques des femmes et avoir des impacts positifs sur les aspects environnementaux du Programme 2030.
Alors que les gouvernements réfléchissent à leurs engagements environnementaux, les retombées de la pandémie de COVID-19 les ont contraints à donner la priorité aux réponses immédiates à la santé publique et aux revers économiques. Pour relever ces défis, il faut une réponse gouvernementale à grande échelle, saisissant l'occasion qui nous est donnée de reconstruire l’avenir « en mieux », en plaçant l'égalité, la résilience et la durabilité au centre de l'élaboration des politiques. En intégrant une perspective de genre dans les politiques environnementales, les gouvernements seront plus à même d'exploiter les synergies en respectant les engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris et du Programme 2030. Parallèlement, la conception de politiques qui intègrent des considérations liées à l'égalité des sexes, notamment en soutenant l'autonomisation économique et la sécurité sociale des femmes, en s'attaquant au travail de soins non rémunéré et en luttant contre la violence sexiste, peut également avoir des effets positifs sur l'environnement. Ces politiques pourraient garantir l'égalité d'accès des femmes aux ressources et aux opportunités en mettant en place des systèmes de soins de santé, d'éducation et de compétences plus performants et plus efficaces, en augmentant la sécurité alimentaire et l'accès à des emplois décents.
En combinant les objectifs de protection de l'environnement et d'égalité des sexes, on peut faire en sorte que les économies et les sociétés de l'après-COVID-19 s'engagent sur une voie plus durable et plus résiliente et que personne ne soit laissé pour compte. Pour transformer les objectifs en actions politiques, les gouvernements doivent d'abord savoir quelles mesures politiques sont susceptibles d'avoir des impacts positifs sur l'égalité des sexes et l'environnement. Cependant, la compréhension de ce lien et les preuves de l'application de cadres politiques et de gouvernance intégrés qui reconnaissent pleinement les synergies entre l'égalité des sexes et la relance verte sont encore limitées. Le suivi des mesures écologiques et sexospécifiques offre une voie potentielle aux gouvernements qui souhaitent se relever « en mieux » de la pandémie.
L’outil mondial de suivi des mesures sexospécifiques de lutte contre la COVID-19 (COVID-19 Global Gender Response Tracker) du PNUD et d'ONU Femmes, révèle que la question du genre a largement été ignorée dans la réponse au coronavirus. Si 163 gouvernements ont pris 853 mesures pour lutter contre la violence à l'égard des femmes pendant la pandémie, seulement 18 % des 4 115 mesures fiscales, de protection sociale et du marché du travail prises en réponse à la COVID-19 ciblent la sécurité économique des femmes ou le travail de soins non rémunéré. Il n'est donc pas surprenant que les femmes aient été largement exclues des groupes de travail nationaux sur la COVID-19. Le Gender Tracker constate que sur 431 groupes de travail de 187 pays, les femmes ne représentent que 24% des membres et 18 % des dirigeants. Les récents travaux de l'OCDE sur le suivi des mesures d’une relance écologique montrent également que relativement peu de mesures sont considérées comme pertinentes pour les femmes dans les pays de l'OCDE. Sur 705 mesures de relance verte évaluées pour leur pertinence en termes de genre, seules 2,5 % ont été identifiées comme telles. En revanche, la majorité de ces mesures ont un impact positif probable sur l'environnement et favorisent la sécurité économique des femmes dans des secteurs tels que l'énergie, les transports et les bâtiments.
Vers un outil de suivi sexospécifique de la réponse à la COVID-19 « Gender Tracker » également sensible à l’environnement
Afin d'aligner ces efforts et de suivre les mesures vertes et sensibles au genre, le PNUD collabore avec l'OCDE et ONU Femmes pour intégrer le prisme de l’environnement dans l’outil de suivi des mesures sexospécifiques de lutte contre la COVID-19, pour en faire un Gender-Green Tracker. Ce travail s'inscrit dans le cadre des Coalitions d’action féministe pour la justice climatique, lancées lors du Forum Génération Égalité de 2021. Le nouvel outil, dont la sortie est prévue en juin 2022, combine les données du Gender Tracker du PNUD et d'ONU Femmes et de la base de données de l'OCDE sur la relance verte, et cartographie les mesures de relance verte et sensibles au genre existantes dans plus de 200 pays et territoires. Une analyse « verte » sera appliquée à toutes les mesures relatives à la protection sociale, au travail, à l'économie et à la fiscalité, ainsi qu'à la violence à l'égard des femmes incluses dans le Gender Tracker du PNUD et de l'ONU Femmes. Elle identifiera les mesures qui sont conçues pour être sensibles au genre et qui ont des considérations environnementales ou un impact positif attendu sur la durabilité environnementale, et adoptera le prisme environnemental aux groupes de travail nationaux de lutte contre la COVID-19.
Le Gender-Green Tracker fournira aux gouvernements et aux décideurs une vue d'ensemble concrète pour savoir si et dans quelle mesure les mesures nationales sont sensibles au genre et à l'environnement, et présentera ce qui fonctionne à travers des exemples de pays qui poursuivent déjà une relance inclusive, sensible au genre et verte. L'objectif est de mettre en évidence à la fois les lacunes et les bonnes pratiques, ce qui peut fournir des indications précieuses aux pays dans la conception et la mise en œuvre des mesures de relèvement post-COVID et les inciter à revoir les approches et à introduire des politiques innovantes pour renforcer le lien entre le genre et l'environnement dans les mesures de relèvement. Grâce à ce nouvel outil, les décideurs seront mieux placés pour élaborer des réponses politiques qui placent l'égalité des sexes et la durabilité au centre du relèvement et de la transformation, nous rapprochant ainsi d'un monde plus égalitaire et plus vert.
Rédigé par des membres du PNUD (Esuna Dugarova, spécialiste du genre ; Verania Chao, spécialiste du programme, Climat, genre et inclusion ; Brianna Howell, analyste du Gender Tracker), de l'OCDE (Sigita Strumskyte, coordinatrice pour les ODD et le genre, Direction de l'environnement ; Dimitra Xynou, analyste politique, Direction de l'environnement) et l’ONU Femmes (Silke Staab, spécialiste de la recherche ; Constanza Tabbush, spécialiste de la recherche).