Le monde dépense des milliards de dollars en subventions aux combustibles fossiles alors que des centaines de millions de personnes vivent dans la pauvreté. Pour l'humanité survive, nos priorités doivent changer.
Réformer les subventions aux combustibles fossiles pourrait limiter le changement climatique tout en luttant contre les inégalités. Voici comment.
3 novembre 2021
En moyenne, les gouvernements dépensent chaque année la somme de 423 milliards de dollars, pour subventionner la consommation de combustibles fossiles. Pour chaque dollar investi dans la lutte contre la crise climatique au profit des plus pauvres du monde, quatre dollars sont en effet dépensés en subventions aux combustibles fossiles, entretenant ainsi la crise climatique. En d'autres termes, le FMI estime que les coûts environnementaux et le manque à gagner pour les finances publiques (subventions implicites) pourraient s’élever jusqu’à non moins de 5,9 billions de dollars !
De plus, ces subventions – outre le fait d’être responsables des distorsions du marché et d'autres inefficacités – sont souvent loin d'aider les plus pauvres. Au contraire, elles bénéficient de manière disproportionnée ceux qui en ont le moins besoin, soit le quintile le plus riche à l’échelle planétaire.
Dans ce contexte, il est clair que continuer de subventionner les combustibles fossiles comme nous le faisons actuellement ne relève pas d’une utilisation rationnelle des ressources publiques. Sur le plan économique, cela ne fait qu’alimenter les inégalités mondiales. D’autre part, leur élimination progressive pourrait contribuer à éradiquer la pauvreté. Une nouvelle analyse publiée dans le cadre de la campagne du PNUD intitulée « Ne choisissez pas l'extinction », montre que le montant total dépensé pour ces subventions pourrait éradiquer trois fois l'extrême pauvreté, ou couvrir l’acquisition de doses pour vacciner l’ensemble de la population mondiale contre la COVID-19.
La question se pose alors : pourquoi est-il été si difficile de réformer ces subventions inefficaces ?
Dans les pays industrialisés, le charbon et le pétrole ont demeuré la principale source d'énergie pendant des siècles. Nos économies modernes se sont construites à partir des combustibles fossiles, et ceux-ci sont encore fortement ancrés dans nos modes de production et de consommation. Au fil du temps, alors même que l'accès à une énergie moins chère était considéré comme un élément clé pour réduire la pauvreté, améliorer les indicateurs de développement humain et promouvoir le développement industriel, les gouvernements ont mis en place des mécanismes pour subventionner la production et la consommation de combustibles fossiles.
Par conséquent, l'ensemble de notre système énergétique est mal évalué et artificiellement orienté vers les combustibles fossiles – et une énergie abordable sur la base de combustibles fossiles est devenue la norme dans de nombreux pays. De puissants groupes d’intérêts maintiennent la pression sur les gouvernements pour qu'ils continuent à utiliser les rares ressources publiques dans leur intérêt propre. Les subventions aux combustibles fossiles sont non seulement d’un autre âge, mais elles renforcent aussi l'inégalité, car elles privent les pauvres d’une partie importante de leurs revenus, qui pourrait être enployée pour leur consommation d'énergie. À cause de cela, des réformes mal conçues peuvent être préjudiciables aux ménages pauvres et vulnérables et entraîner des troubles sociaux – comme cela s’est récemment produit au Chili.
Pour une transition juste et le temps pressant, une réforme équitable des subventions aux combustibles fossiles serait une première étape nécessaire, permettant une juste fixation des prix de l'énergie afin qu’ils reflètent le coût « réel » et complet de l'utilisation des combustibles fossiles pour la société et l'environnement.
Guide de réponse du PNUD pour une réforme équitable de la tarification de l'énergie
Notre politique « Investissements d'avenir : une boîte à outils pour une réforme équitable de la tarification de l'énergie » (en anglais, Future Investment : a Toolkit for a Fair Energy Pricing Reform), le PNUD plaide pour une réforme progressive, dans laquelle la première étape consiste à identifier les moyens de réorienter les réformes des subventions aux combustibles fossiles de manière à réduire la pauvreté et les inégalités d’une manière évolutive, socialement et économiquement juste.
Étape 1 : Éliminons progressivement les subventions aux combustibles fossiles
Sur le fondement d'études de cas au Ghana, en Indonésie, en Iran, en France et au Chili, la recherche du PNUD (en anglais) souligne que l'acceptation sociale et politique est un facteur clé de la réussite d'une réforme de la tarification de l'énergie. Au-delà de leur impact sur l'environnement, ces réformes doivent être socialement et économiquement équitables. Cette acceptabilité est influencée par des tendances sociales, économiques et politiques plus larges, notamment le niveau de confiance du public en les institutions gouvernementales.
Nous constatons que les facteurs politico-économiques sont essentiels à une telle mise en œuvre, et dans les contextes dépendant de l'extraction de combustibles fossiles, une compréhension claire de la politique d'allocation des revenus provenant de l’exploitation des ressources et de la gouvernance des ressources est cruciale. Le renforcement des systèmes de protection sociale et le développement de systèmes de compensation équitables pour se protéger des augmentations de prix sont essentiels pour promouvoir des résultats plus acceptables socialement et politiquement. Ces réformes devraient se concentrer dans un premier temps sur l'extension et le renforcement des dispositions sociales existantes, notamment en ce qui concerne les mécanismes de transfert d'argent. Enfin, une communication publique efficace et un engagement sincère des parties prenantes sont également requis.
Étape 2 : Cela a été dit et redit, mais nous le répétons... Mettons un prix sur le carbone !
La dynamique internationale en faveur de la tarification du carbone s'accélère. Au niveau mondial, plus de 60 initiatives de tarification du carbone ont été mises en œuvre. Mais celles-ci ne couvrent que 20 % de l'ensemble des émissions mondiales, et le prix de la majorité des émissions est inférieur à 10 dollars par tonne de CO2. D'ici 2030, ce prix doit au moins être multiplié par dix pour qu’on arrive à atteindre les objectifs de l'Accord de Paris.
Comme la sélection des outils de tarification du carbone dépend des contextes socio-économiques et politiques spécifiques des pays, le kit d'outils fournit une analyse complète (en anglais) des outils de tarification du carbone et de leur utilisation spécifique.
Étape 3 : Redirigeons l'argent vers les personnes et investissons conformément aux ODD
Le nouveau simulateur des subventions aux combustibles fossiles du PNUD permet aux décideurs de visualiser l'immense potentiel de la réaffectation de l'argent dépensé en subventions aux combustibles fossiles vers des investissements durables pour les personnes et la planète. Nos recherches démontrent que la réaffectation de ces subventions reviendrait à payer plus de trois fois le montant annuel nécessaire pour éradiquer l'extrême pauvreté dans le monde, mesurée à l'aide du seuil de pauvreté de 1,90 dollar par jour, ou bien de couvrir le montant nécessaire pour fournir un revenu de base temporaire à toutes les personnes vulnérables dans les pays à revenu moyen inférieur pendant six mois et jusqu'à 16 mois dans les pays à faible revenu.
Ce montant pourrait également couvrir le prix des vaccins les plus chers contre la COVID19 pour 90 % de la population mondiale en 2021, ou payer le coût de la vaccination du monde entier cinq fois avec les vaccins les plus abordables.
Avec la campagne « Ne choisissez pas l'extinction », le PNUD montre les résultats qu’il serait possible d’obtenir en réorientant ou réaffectant l'argent public des combustibles fossiles vers des investissements qui visent à éradiquer la pauvreté : investissements dans l'éducation et les soins de santé ; investissements dans les énergies renouvelables pour limiter le changement climatique, plutôt que de soutenir les combustibles des 19e et 20e siècles pour répondre aux besoins et aux opportunités du 21e siècle. L’idée est de montrer l’immense opportunité que représente la transition énergétique qui pourrait créer 60 millions d'emplois d'ici 2030 et construire des économies plus vertes et plus justes qui fonctionnent pour tous. Nous voulons montrer que cet avenir est possible et à notre portée : nous devons simplement changer nos priorités.