La pandémie COVID-19 a fait plus que plonger les économies, les moyens de subsistance et les sociétés dans le chaos, elle nous a également donné une occasion de réfléchir à la façon dont nos sociétés doivent évoluer. Les fondamentaux de la gouvernance, du développement, des inégalités et de l'économie sont tous à reconsidérer. Nous avons assisté à des changements de politique remarquables au cours des derniers mois, notamment à ce qui semble être une refonte du contrat financier et social entre le citoyen et l'État. L'Organisation internationale du Travail a identifié 742 différentes mesures de protection sociale adoptées par 144 pays depuis le 1er février, des subventions spéciales aux allocations de chômage, à la protection des revenus et de l'emploi, à l'alimentation et à la nutrition, des pensions aux soins de santé.
Une question clé que nous posons en ce moment est de savoir si ces mesures sont là pour durer, et si oui, sous quelle forme? Et représentent-elles une révolution dans le contrat citoyen-État ou une simple pause momentanée dans l'habituel?
Pour l'ONU et le PNUD, il est clair que cela ne peut pas être momentané; le cadre des Nations Unies pour la réponse socio-économique (en anglais) à la pandémie indique clairement que nous ne pouvons pas reprendre nos activités habituelles en ce qui concerne les inégalités de revenus, notre relation destructrice avec l'environnement et, bien sûr, les normes incroyablement inégales de la planète an matière de soins de santé, pour n'en nommer que quelques-uns.
Renforcer la résilience aux pandémies
La santé occupe évidemment notre attention en ce moment, et bien qu'elle ne soit que la partie visible de la vulnérabilité des pays et des familles, elle est essentielle à tout renforcement de la résilience aux pandémies. Si une épidémie peut dévaster les emplois, les moyens de subsistance et l'économie des pays avancés, quel en sera le résultat dans les régions moins développées du monde, comme l'Afrique subsaharienne, où les soins de santé de tous types sont parmi les plus pauvres du monde?
Quelque 408,6 millions de personnes en Afrique subsaharienne n’ont pas de soins de santé, la Somalie et le Tchad se situant au sommet avec 58% et 51%, tandis que l’Afrique du Sud est la plus desservie avec seulement 13% sans accès. La richesse des pays joue évidemment son rôle, et il n'est donc pas surprenant que les pays à faible revenu comptent pour neuf des dix parmi les plus déficitaires dans les soins de santé. Presque tous les pays du continent - 34 des 46 - ont une proportion de 30% ou plus de leur population sans couverture universelle.
Un système universel de soins de santé fournirait des soins de base à travers deux niveaux simples de coûts et de services, et serait soutenu par un investissement très important dans les conseils et les orientations de diagnostic pour les conditions de santé les plus banales tout au long des épidémies majeures. Un investissement massif dans la télémédecine, elle-même un outil de plus en plus innovant pour de nombreux aspects des soins de santé, serait au centre du projet, s'appuyant sur l'énorme croissance de l'utilisation du téléphone mobile à travers le continent, avec des paiements de primes, des réclamations, des conseils de santé et une mesure d'impact numérique et mobile.
Naturellement, une telle initiative a un coût, dont le prix est très provisoirement de 15,2 milliards de dollars par an. Et nous avons complété cela par un aperçu qui suggère que 7,3 milliards de dollars devraient être couverts par une subvention de prime, tandis que 225 dollars seraient nécessaires pour construire l'assistance technique pour faire fonctionner l'initiative à travers le continent.
Sans surprise, les mises en garde sont conséquentes. Les données sont-elles suffisamment solides pour une telle initiative et représentent-elles un réel besoin? Les gouvernements soutiendraient-ils une telle mesure et eux-mêmes ou des institutions telles que les banques multilatérales de développement s'engageraient-elles à subventionner les primes? Les réseaux mobiles s'étendent-ils aux pays et communautés les plus vulnérables? Sommes-nous en danger de confondre besoin et demande et, dans l'affirmative, devrions-nous nous inquiéter étant donné l'ampleur du problème? Et même si une partie de cette initiative peut être mise en œuvre par télémédecine, certaines infrastructures de santé seront nécessaires physiquement pour les visites des patients, et nous savons déjà à quel point cette infrastructure et cette capacité peuvent être médiocres.
La région avec la plus forte proportion de pays à faible revenu peut-elle se permettre 15,5 milliards de dollars par an pour l'assurance maladie?
Les données suggèrent que non. Selon l’Organisation mondiale de la santé, les seules maladies en Afrique subsaharienne coûtent plus de 2,4 billions de dollars américains du produit intérieur brut de la région. Ces 15,5 milliards de dollars US semblent dès lors une dépense plutôt prudente.
Supprimer les vulnérabilités en matière de santé
Une initiative de cette envergure révolutionnerait la résilience à travers le continent, supprimant la vulnérabilité sanitaire de millions de personnes dans le besoin et, ce faisant, stimulerait l'inclusion financière de millions de personnes et l'investissement dans les infrastructures de santé.
Plus important, une telle initiative activerait l'entrepreneuriat à une échelle remarquable, avec des millions de personnes qui verraient grand pour peut-être la première fois, sachant qu'une partie critique de leur vie et de la vie de leur famille sont couverts.
Au PNUD, nous réalisons que cela requiert un effort monumental et peut-être hors de portée, mais alors que nous explorons le potentiel des soins de santé universels, nous croyons fermement que ce moment, aussi terrible soit-il, nous permet à tous repenser au développement, la vulnérabilité et au risque, les politiques et la programmation d'une manière qui aurait été impossible il y a quelques mois.