Enseigner à Sam Ouandja : un parcours entre défis et espoirs

Entretien avec Mme Ko-Ndotar Mamita, institutrice et M. Singa-Kette Gauthier, Enseignant déployé à Sam-Ouandja dans le cadre du Programme de Stabilisation du PNUD

23 septembre 2024
un groupe de personnes devant une foule posant pour la caméra

Classe de CP2 de l'école primaire B de Sam Ouandja

Photo : Benjamin Yapou
Entretien avec Mme Ko-Ndotar Mamita, Institutrice à l'école B de Sam Ouandja 
une personne tenant une pancarte ;

Quelle classe avez-vous enseignée ?

Dans un premier temps, en l'absence d'un de mes collègues malade, je me suis occupée des classes de CI (cours d'initiation) et de CP2 (cours préparatoire) à l’école B de Sam Ouandja. Une fois, que mon collègue a retrouvé la santé et a pu reprendre fonction, j'ai continué avec la classe de CP2. 

Comment s'est déroulée votre arrivée à Sam-Ouandja ?

Engagement et courage étaient essentiels pour accepter de venir à Sam Ouandja. Ce qui m'a motivé, c'était la possibilité de servir mon pays. Contrairement à ce que j'entendais dire sur la ville, mon expérience sur place a été bien différente. L'accueil chaleureux de la population m'a immédiatement rassurée. Les enfants, qui ne nous connaissaient même pas, les autres enseignants et moi, se sont massivement déplacés jusqu'à notre résidence pour nous souhaiter la bienvenue, ce qui nous a beaucoup touchés.

Comment s'est passé le premier contact avec les élèves ?

Nous avons été présentés aux élèves après la levée des couleurs par le Président préfectoral de l'Association des parents d'élèves et le Principal du Collège de Sam Ouandja. Il nous a fallu un petit moment pour rejoindre nos classes respectives car les élèves voulaient choisir leur enseignant eux-mêmes. Nous leur avons patiemment expliqué que cela n'était pas possible.

Quelles ont été les réactions des élèves à votre arrivée ?

Les élèves étaient très heureux de nous voir. Ils ont soif d'apprendre, mais pendant longtemps n'ont pas eu l'opportunité de le faire. Certains parents nous ont expliqué que les écoles de Sam-Ouandja avaient été abandonnées depuis 2006, rendant l'apprentissage très difficile pour les enfants. Ces derniers se trouvaient dans l'obscurité éducative et nous ont priés de les aider à combler ce manque. Personnellement, cela m'a poussée à prendre d'autant plus ma responsabilité à cœur. Je ressentais déjà le désir d'aider les enfants de mon pays, ce désir n'en a été que plus ardent.

Les élèves sont vraiment nombreux et manifestent une réelle volonté d'étudier. Beaucoup de ceux qui avaient abandonné, sont revenus à l'école, et même ceux admis en classe supérieure ont préféré redoubler pour bénéficier de l'enseignement des nouveaux enseignants.

Quels défis avez-vous rencontrés durant votre expérience à Sam-Ouandja ?

Nous avons fait face à de nombreux défis, notamment la peur de vivre dans cette ville. Cependant, le soutien des parents d'élèves et de la population nous a rassurés. À l’école B, nous voyons régulièrement passer des membres de groupes armés non loin de notre établissement. Bien que cela me fasse peur en tant que femme, le directeur de l’école ainsi que les élèves m'ont apporté un soutien précieux, facilitant ainsi mon adaptation.

Une autre difficulté réside dans le manque de matériel didactique nécessaire pour bien enseigner. Nous enseignants, manquons de documents et d'outils pour travailler efficacement. Dans ma classe de CP2, je dois gérer deux cent quarante-sept (240) élèves.  Ils manquent de livres, de cahiers, d'adoises. Ils n'ont pas de tables bancs et sont assis par terre. Ils sont si nombreux, mais il m'est impossible de les chasser de la classe, car ils ont envie d'apprendre. Lorsque des enfants décident de revenir à l'école, je ne peux pas les refuser, même si la situation est très compliquée. Il est essentiel d’avoir des bâtiments supplémentaires, des tables bancs, pour accueillir les élèves, mais également un mât et un drapeau dignes de ce nom.

La plus grosse difficulté peut-être que nous avons connue et qui rend triste, c’est le fait que certains élèves se marient très jeune. En classe de CI ou en classe de CP2, une élève peut être mariée. C’est triste. Un élève de CM1 (cours moyen première année) peut se marier à une élève de CI ou de CP2. Il arrive de constater l’absence d’une élève en classe. Quand tu demandes de ses nouvelles, on te répond qu’elle est désormais mariée. C’est vraiment triste. Nous proposons au PNUD de déployer une équipe sur place pour sensibiliser la population au respect des droits à l’éducation des enfants. Nous ne nous opposons pas au mariage. Tout le monde est appelé est marié quand son âge le permet mais pas de manière précoce comme on l’a vu. Cela affecte l’éducation des enfants, surtout des jeunes filles.

Aussi, le coût de la vie à Sam Ouandja est extrèmement élevé. Les loyers sont élevés, la nourriture coûte chère, etc... Nous, enseignants en Fondamental 2, avons souvent du mal à couvrir ces frais tout en soutenant nos familles restées à Bangui.

Un mot de fin à ajouter ?

Malgré les nombreux défis rencontrés à Sam Ouandja, notre expérience nous a prouvé que la volonté d'apprendre est indéfectible. Les enfants là-bas sont avides de connaissances et déterminés à construire un avenir meilleur. Avec le soutien de la communauté et un engagement continu, nous croyons fermement qu'il est possible d'améliorer les conditions d'apprentissage. Chaque pas que nous faisons ensemble, chaque élève qui retourne à l'école, est une lueur d'espoir pour l'éducation à Sam Ouandja. En cultivant cette passion pour l'apprentissage, nous œuvrons ensemble à bâtir un avenir prometteur.

 

Entretien avec M. Singa-kette, professeur d'histoire-géographie au collège de sam ouandja
un homme debout dans une pièce

Quelle classe avez-vous enseigné ?

Je suis professeur d’Histoire-Géographie et j'ai eu en charge les classes de 4e, 3e et Seconde.

Comment les élèves ont-ils réagi à l'arrivée de nouveaux enseignants ?

Les élèves ont réagi très positivement à notre arrivée. Beaucoup avaient abandonné leurs études, mais dès qu'ils ont appris que de nouveaux enseignants étaient là, ils sont revenus à l'école. Notre présence a donc entraîné une augmentation du nombre d'élèves. Ce n’était pas totalement de leur faute ; ils venaient à l’école, mais il n’y avait pas d’enseignants, surtout pour ceux du collège. Dès le début, nous avons constaté que les enfants de Sam Ouandja avaient un niveau plus faible que ceux de Bangui. Ils avaient des difficultés, notamment en lecture. Nous avons donc travaillé dur et fait de notre mieux pour les aider à combler ces lacunes.

Quels défis avez-vous rencontrés durant cette expérience ?

Au départ, nous avions une grande appréhension concernant le fait de vivre à Sam-Ouandja. Nous avons été rassuré notamment avec le déploiement d'éléments des FACA (Forces Armées Centrafricaines) dans la ville.

Un autre défi a été le coût de la vie. Malgré le soutien financier reçu, les prix des produits de première nécessité et alimentaires sont extrêmement élevés à Sam Ouandja. Cela rendait difficile le fait de subvenir aux besoins de nos familles restées à Bangui tout en nous occupant de nos propres besoins.

Dans notre travail, nous avons aussi fait face à un problème d'assiduité des élèves. Ils n’arrivaient pas à l’heure à l'école. Nous, les enseignants, arrivions à l’heure et devions attendre les élèves. Nous avons compris qu’ils n’avaient pas été habitués à cette rigueur par le passé. Nous avons travaillé à instaurer une certaine discipline afin de les amener à respecter l'emploi du temps. Les résultats sont mitigés. Pour ce second déploiement, nous ferons de notre mieux pour obtenir de meilleurs résultats.

Il y'a également un manque de matériel pour accueillir les élèves, notamment des tables et des bancs. De plus, le collège ne dispose que de deux bâtiments et l'un d'eux n'a plus de toiture. Accueillir des élèves de la 6e à la Première dans un seul bâtiment de trois salles de classe complique énormément les conditions de travail.

Enfin, à Sam Ouandja, il n'existe aucune bibliothèque. Une bibliothèque aurait pu grandement contribuer à l'éducation des enfants, leur permettant d'approfondir leurs connaissances à travers la lecture et la recherche.

Un mot pour finir ?

J’espère sincèrement qu'avec davantage de soutien et de ressources, nous pourrons améliorer l'éducation à Sam-Ouandja. Les enfants ont soif d'apprendre, et il est essentiel de leur offrir les moyens d'y parvenir.