Miola, l'infirmière devenue apicultrice : se relever après la crise et reconstruire sa vie
8 mars 2025

Molia, infirmière de profession, fait partie de celles qui ont osé se reconvertir en apicultrice
La pandémie de COVID-19 n'est plus au centre de l'actualité, mais ses conséquences restent bien présentes. Quelques années après les premières vagues de contamination, ce n'est plus la saturation des hôpitaux qui inquiète, mais l'effondrement économique et social qu'elle a laissé derrière elle.
En Haïti, comme dans de nombreux pays en développement, la pandémie a révélé et exacerbé des inégalités structurelles. Loin d'être une crise passagère, elle a transformé durablement l'économie et le quotidien des populations les plus vulnérables.
Selon un rapport sur l'impact socioéconomique de la pandémie en Haïti, 60 % des ménages ont déclaré avoir subi une perte de revenus, et 82 % d'entre eux ont dû recourir à un emprunt ou épuiser leurs économies pour survivre. L'inflation a atteint des niveaux record, rendant l'accès aux produits de première nécessité de plus en plus difficile. En 2023, la Banque de la République d'Haïti (BRH) a rapporté une inflation annuelle de plus de 40 %, affectant particulièrement les prix des denrées alimentaires.
Dans les zones rurales, déjà marginalisées avant la crise, la situation est encore plus critique. L'absence d'infrastructures adaptées et de soutien aux producteurs a rendu le redémarrage économique particulièrement difficile. Les agriculteurs et commerçants locaux ont vu leur pouvoir d'achat s'effondrer, limitant leur capacité à réinvestir et à faire prospérer leur activité.
Par ailleurs, l'insécurité grandissante complique encore plus la vie des petits commerçants et des producteurs locaux. Les axes routiers sont devenus impraticables, isolant davantage les zones rurales. Les enlèvements, les attaques de gangs et les barrages illégaux compromettent la sécurité des travailleurs et rendent toute activité commerciale incertaine.
Face à cette double impasse, certaines femmes ont décidé de ne plus subir et de prendre leur avenir en main.
« Les premières fois, j'avais peur. Mais plus j'avançais, plus je prenais confiance. Ce travail me donnait quelque chose que je n'avais jamais eu : une indépendance réelle. »Molia Elie
Apprendre à rebondir : d'infirmière à apicultrice
Avec le soutien du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et une contribution de l'Agence espagnole de Coopération Internationale pour le développement (AECID Haïti), un programme a été mis en place pour redynamiser les économies locales. L'Association des Apiculteurs de Ferrier (AAF) fait partie des 36 organisations communautaires de base (OCB) ayant bénéficié d'un appui technique et financier.
Molia, infirmière de profession, fait partie de celles qui ont osé se reconvertir. Pendant des années, elle a exercé avec dévouement, mais les crises successives ont rendu son travail de plus en plus difficile. Les hôpitaux manquaient de médicaments, l'électricité était coupée régulièrement, et les patients arrivaient souvent trop tard faute de routes praticables.
Lorsque l'opportunité de l'apiculture s'est présentée, elle a hésité. Ce métier était traditionnellement réservé aux hommes, mais face à l'urgence de sa situation, elle a décidé de tenter l'expérience.
« Je me suis dit : et si c'était ça, ma chance ? Et si j'étais capable de faire bien plus que ce que l'on attend de moi ? »
Grâce aux formations financées par le PNUD, elle a appris à gérer une ruche, à récolter et transformer le miel, à comprendre le cycle des abeilles et à commercialiser son produit.
« Les premières fois, j'avais peur. Mais plus j'avançais, plus je prenais confiance. Ce travail me donnait quelque chose que je n'avais jamais eu : une indépendance réelle. »

Miola en compagnie de deux autres apiculteurs examine un cadre rempli d’abeilles dans un rucher.
Une transformation bien au-delà du travail
Aujourd'hui, Élie ne se contente plus de produire du miel. Avec ses revenus, elle améliore la nutrition de sa famille, planifie ses finances et se projette vers l'avenir. Elle a même appris à épargner, un luxe autrefois inaccessible.
L'apiculture ne profite pas seulement à Élie. C'est toute sa communauté qui bénéficie de cette transformation. Grâce à l'AAF, les femmes ne sont plus isolées. Elles s'entraident, partagent leurs expériences et se soutiennent mutuellement face aux difficultés.
Un événement en particulier l'a marqué. « Un des membres de notre association est décédé subitement. Sa famille n'avait pas les moyens d'organiser ses funérailles. Alors, nous avons vendu 20 gallons de miel. Cet argent a permis de couvrir les frais et d'offrir à cet homme un dernier hommage empreint de respect. »
Un regard vers l'avenir
L'histoire d'Élie est celle d'un renouveau. Elle illustre ce que signifie réellement l'autonomisation : reprendre le contrôle de son destin, sortir du cycle de la précarité et redécouvrir sa propre valeur.
« Avant, je pensais que ma seule option était d'accepter ma situation. Aujourd'hui, je sais que nous, les femmes, avons le pouvoir de changer nos vies. Nous devons juste oser saisir les opportunités qui se présentent à nous. »
Alors qu'elle observe les abeilles s'affairer autour des ruches, elle sait que les défis sont loin d'être terminés. Mais une chose est sûre : elle n'attend plus que la situation s'améliore. Elle crée son propre avenir. Et à Ferrier, ce changement commence par un bourdonnement d'abeilles. Bzzzzzzzzzzzzzzz.