Améliorer l'accès à la justice des personnes vulnérables à Mopti
3 novembre 2023
L'accès à la justice est un pilier fondamental garantissant la protection des droits et des libertés de chaque individu. Au Mali, cet accès est garanti par la nouvelle constitution du 22 juillet 2023[1] mais il reste difficile pour de nombreuses personnes, en particulier pour les plus démunies et marginalisées, notamment les femmes et les filles.
Ces difficultés sont dues à différents facteurs, notamment les coûts élevés associés au système judiciaire, le manque d'informations sur la manière d'accéder à la justice, et l'absence d'un système efficace d'aide juridictionnelle. Au Mali, il existe un cadre juridique relatif à l'assistance juridique et judiciaire des personnes vulnérables[2] mais il n’est que partiellement efficace à cause de la complexité du texte législatif, sa méconnaissance par les justiciables, la lourdeur de la procédure, et le faible budget alloué par l'État à l'assistance judiciaire.
La commission d'office[3] prévue pour les affaires criminelles intervient, quant à elle, trop tard dans la procédure, rendant l'accès à la justice difficile. De plus, le nombre limité d'avocats, en particulier en dehors de la capitale de Bamako complique davantage la situation.
Une réforme de ces textes relatives à l’assistance juridique et judiciaire par le Ministère de la Justice et des droits de l’Homme est en cours mais elle n’a pas encore abouti.
C’est dans ce contexte que le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et ONU Femmes, à travers le Programme d’Appui à la Stabilisation du Mali à travers le Renforcement de l’État de Droit (PROSMED) avec le soutien des partenaires techniques et financiers dont le Royaume des Pays Bas et le Fond du Secrétaire des Nations Unies pour la consolidation de la Paix (PBF) a initié un projet pilote d’assistance judiciaire avec le Barreau du Mali. Ce projet vise à soutenir les efforts du gouvernement malien pour améliorer l'accès à la justice, notamment pour les personnes vulnérables, en octroyant une aide juridictionnelle dans les zones ciblées par le PROSMED.
[1] Article 7, alinéa 2 : le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par l’avocat de son choix, est garantie depuis l’enquête préliminaire.
[2] Loi N°01-082 du 24 août 2001 relative à l’assistance judiciaire et DECRET N°06-426/ P-RM du 06 octobre 2006 fixant les modalités d’application de la loi n°01-082 du 24 aout 2001 relative à l’assistance judiciaire.
[3] Art. 278 code de procédure pénale.
Une première phase pilote de cet appui a démarré à Mopti en juin 2023 impliquant un pool composé de cinq avocats installés à Mopti. Ce pool bénéficie de l’appui et du suivi d’une équipe d’avocats du Barreau qui assure le contrôle qualité des dossiers et le renforcement des capacités des avocats en fonction des besoins constatés au cours des visites de suivi. Les bénéficiaires prioritaires de cette phase sont les personnes vulnérables en détention provisoire dans la prison de Mopti (femmes, mineurs, personnes en situation de handicap) et les survivantes de violences basées sur le genre (VBG). Suite à une évaluation réalisée au démarrage du projet au sein de la prison et auprès du One Stop Center/FNUAP de Mopti, 122 dossiers ont été retenus. Il s’agit de 44 dossiers de prévenus, 68 dossiers d’inculpés dont les dossiers sont encore en instruction et de 10 dossiers de survivantes de VBG. A date, d’autres cas de VBG ont été reférés par One Stop Center/FNUAP pour bénéficier d’une assistance judiciaire.
Selon, Mme Aissata Baby du Fonds des Nations Unies pour les Populations (FNUAP) Coordinatrice du Groupe de travail VBG de Mopti « Le projet d’assistance juridique et judiciaire est d'un apport capital et inestimable, l'espoir retrouvé pour les survivantes de VBG qui avaient perdu tout espoir à cause de l'impunité nourrit par l'absence de l'état dans leur localité difficile d’accès à cause de l'insécurité.
A sa libération, une des survivants de VBG qui avait été accusée par son mari d’abandon de familles’exprimait ainsi : « Grâce au professionnalisme de l’Avocat mis à ma disposition par le ONE STOP CENTER en collaboration avec le PROSMED, j’ai pu retrouver le sourire, ma dignité et surtout mes raisons de vivre qui sont mes enfants dont j’ai été séparée injustement. Je ne saurai vous remercier à hauteur de souhait. Que le seigneur bénisse ce projet afin que vous continuiez à venir en aide aux survivantes de VBG. »
À ce jour, les avocats ont été régulièrement constitués dans tous les dossiers qui leur ont été confiés. En ce qui concerne les résultats, on peut noter que sur les 43 dossiers de prévenus, 26 ont déjà été jugés grâce à l'intervention des avocats, soit 60% des dossiers de prévenus. Parmi ces 26 dossiers, 19 ont bénéficié d'une condamnation avec sursis, tandis que 4 ont été déclarés non coupables. Les avocats ont également été constitués dans les 42 dossiers d'inculpés, et grâce à leur intervention, 3 bénéficiaires ont pu obtenir la liberté provisoire. Ces résultats marquent un progrès significatif dans l'accès à la justice et la protection des droits des détenus à Mopti.
Selon Maitre Amadou CISSE, avocat à Mopti, « le projet a beaucoup amélioré l'accès à la justice dans la région, car la présence à leur côté (NDLR: les survivantes de VBG et les détenus vulnérables) d'un avocat professionnel à cette phase de la procédure sans frais pour eux n'était pas évidente. Et d’ajouter que la poursuite du projet va permettre de poursuivre les dossiers même devant la chambre d'accusation et au-delà ainsi que les dossiers frappés d'appel et ceux des survivantes des VBG. Quant à Maitre Sidiki Sampana, avocat également et membre du pool, il reconnait que les bénéficiaires sont très contents de leur contribution, tout comme les juges.
[1] Article 7, alinéa 2 : le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par l’avocat de son choix, est garantie depuis l’enquête préliminaire.
[2] Loi N°01-082 du 24 août 2001 relative à l’assistance judiciaire et DECRET N°06-426/ P-RM du 06 octobre 2006 fixant les modalités d’application de la loi n°01-082 du 24 aout 2001 relative à l’assistance judiciaire.
[3] Art. 278 code de procédure pénale.
La réforme du système étatique d'assistance juridique et judiciaire est un pas essentiel vers un système plus efficace et pérenne. Cette initiative pilote du PROSMED dans la région de Mopti est une opportunité de mettre en place et de tester des pratiques et des mécanismes qui pourraient être répliquées dans tout le pays. En fournissant une assistance juridique et judiciaire de qualité et en renforçant les capacités des avocats locaux, ce programme contribue à faire progresser les droits de l'homme et l'accès à la justice au Mali.