L’INNOVATION AU SERVICE DE LA LUTTE CONTRE LES VBG EN MAURTIANIE:

Dr. Lala Aicha Cheikh, Chargée de cartographie, Laboratoire d’accélération

15 novembre 2024

Les violences basées sur le genre (VBG) constituent un fléau qui touche près d' 1 femme sur 3 dans le monde. Selon les dernières données officielles, globalement, près d’une femme non célibataire sur cinq (19%) a subi, à un moment quelconque, des actes de violence, commis par un mari, que ce soit sous la forme physique et/ou émotionnelle et/ou sexuelle. Ainsi, seulement un peu plus d’une femme sur cinq (22%) ont recherché de l’aide pour mettre fin à la violence[1].

En Mauritanie, plusieurs types de VBG persistent encore tels que l’excision, le mariage forcé, le viol, les agressions sexuelles, les agressions physiques. Selon l’UNICEF, 37% des filles s’y mariaient avant d’atteindre 18 ans, et 14 % d’entre elles se mariaient avant l’âge de 15 ans[2], en outre, 1 fille sur 4 (1 sur 3 en zone rurale) devient mère avant l’âge de 18 ans[3].

« La violence basée sur le genre est sujet tabou en Mauritanie. C’est un fléau qui frappe tout le monde », déplore Hendou Mint Cheikhna, commissaire de police au sein de la Brigade des Mineurs de Nouakchott Ouest. 

C’est le cas de Halima, jeune Mauritanienne âgée de 25 ans. Victime d’une relation abusive pendant 6 ans, elle se résout à quitter son mari pour Nouakchott où une parente la met en rapport avec une ONG pour l’aider.
« J’admets que c’était difficile, mais avec le soutien moral, la prise en charge et l’aide juridique, je me suis beaucoup rétablie. A cela s’ajoute la formation professionnelle dont j’ai bénéficié et qui m’a permis de travailler maintenant dans un centre de beauté. », dit-elle. 
Le cas de Halima n’est pas isolé. Sa situation est d’autant plus difficile que la Mauritanie ne dispose toujours pas d’un cadre juridique pour criminaliser le harcèlement ou les VBG. A deux reprises, malgré les efforts louables et la mobilisation de la société civile mauritanienne pour faire adopter la législation « Karama » (dignité en français), le Parlement a rejeté un projet de loi-cadre prévoyant notamment l’aggravation des peines pour viol et la pénalisation du harcèlement sexuel en raison de leur contradiction avec la loi Islamique.
Force est également de constater que le Mauritanie ne dispose pas d’assez de données désagrégées, qui sont essentielles pour améliorer la protection des victimes, notamment le signalement des cas et la prise en charge des survivantes.
L’innovation et la technologie peuvent jouer un rôle « disruptif » et avoir un impact positif. Conscient de cette réalité, le laboratoire d’accélération du PNUD Mauritanie s’est investi dans un projet un projet ambitieux pour développer d’une application mobile géolocalisée qui permet aux victimes des VBG de signaler les incidents en temps réel, de partager leur localisation avec les autorités de sauvetage et de prise en charge des victimes.
Actuellement dans sa phase d’opérationnalisation dans la capitale, l’application permettra de montrer la distribution spatiale avec une classification sur le type de VBG enregistrées. Une fois mis à l’échelle d’ici 2025, cet outil pourrait doter la Mauritanie d’une base des données à l’échelle nationale et promouvoir l’adoption de politiques plus efficaces.
Halima a pu se refaire une vie aux côtés de sa mère et de son fils qui l’ont rejointe à Nouakchott. Son parcours montre qu’au-delà d’un aspect purement juridique, les VBG portent un réel préjudice au potentiel de développement d’un pays. L’élimination des VBG est un combat de tous les instants qui nécessite des outils et des moyens conséquents, une approche différente. 
La violence basée sur le genre n’est pas seulement un problème individuel, mais un défi sociétal qui nécessite une action collective. C’est ce constat qui résume la démarche du Laboratoire d’accélération du PNUD Mauritanie : apporter une novatrice pour répondre à un défi urgent pour la Mauritanie.
 


 


[1] Enquête Démographique et de Santé de la Mauritanie (EDSM) 2019-2021

[2] Rapport 2019 sur les droits de l’homme - Mauritanie

[3] UNICEF : Mauritanie espoirs et défis, 2019