La flore nigérienne est riche en espèces indigènes naturellement adaptées au climat aride du pays, souvent productives et nutritives. Ces espèces résistent mieux aux années de sécheresse et souffrent moins du décalage pluviométrique. En particulier, les fruits d’arbustes comme le anza (Boscia senegalensis), très riches en protéine (le anza contient plus de 20% de protéine), sont utilisés par les agriculteurs lorsque de lourds travaux des champs exigent de développer une énergie accrue. Aliment de résistance, il présente un apport énergétique comparable au riz ou au mil. Cependant, les produits du anza ne sont malheureusement pas valorisés au Niger tout comme d’autres produits indigènes comme le dania, l’adoua, etc.
Au cours d’une mission de terrain entreprise entre mars et avril 2021, l’Accelerator Lab a cartographié une solution portée par une entreprise sociale basée à Zinder, Sahara Sahel Food, qui transforme une douzaine de fruits indigènes, notamment le fruit anza en farine ou semoule. Le processus de transformation du fruit de anza dure onze (11) jours environ. La cueillette des produits indigènes utilisés par Sahara Sahel Foods s’opère à travers un réseau de 1 500 femmes réparties dans les régions de Zinder, Maradi et Diffa. La mission a trouvé un stock de 89 tonnes du fruit de anza dans le magasin de l’entreprise. Cette espèce affiche un rendement agricole de 100 grammes d’équivalent céréale par m2 de champ occupé, soit deux fois plus qu’une production agricole classique. Les valeurs nutritives et les niveaux de rendement affichés permettraient de répondre aux besoins alimentaires des populations locales dans ce contexte marqué par la rudesse des conséquences des changements climatiques. La préservation et la prolifération de ces espèces endémiques permet en outre de protéger la biodiversité (faune et flore), et offre des solutions naturelles aux problématiques de désertification, d’érosion, de perte de la fertilité des sols, en plus de constituer un moyen naturel de stockage de carbone.
Les solutions expérimentées par Sahara Sahel Food abordent également la transformation en produits cosmétiques (huiles) de fruits d’espèces endémiques comme l’adoua, dont les propriétés proches de l’huile d’argan ont permis d’en exporter 1 200 litres pour fournir une entreprise britannique de cosmétiques en 2020. La création d’activité engendrée par cette PME dans la région de Zinder permet de faire vivre toute l’année (l’adoua, le anza et d’autres fruits aux propriétés similaires étant produits à des périodes différentes de l’année) ce réseau de 1 500 femmes, et de générer un revenu décent qui stimule les communautés rurales à protéger et développer leurs ressources ligneuses.
Déjà expérimentées avec succès à ce niveau, ces solutions peuvent être rapidement mises à l’échelle sur plusieurs autres régions. La culture de ces espèces indigènes engendre des coûts d’intrants et d’irrigation moindres, s’appuie sur des méthodes traditionnelles de production adaptées à l’environnement. En outre, elle constitue un réservoir d’emplois pour les communautés rurales et offre une solution locale et adaptée au problème de la malnutrition et des famines à répétition. Les possibilités d’exportation, démontrées par l’expérience de Sahara Sahel Food en Grande-Bretagne, offrent des débouchés viables à long terme à une filière qui a tout pour s’avérer porteuse.