Par l'équipe Sécurité climatique et l'équipe Prévention de l’extrémisme violent du Bureau de crise du PNUD.
Lorsque Boko Haram a attaqué son village dans le nord du Cameroun, Tchiolemé Mallama a vu sa femme et sept de ses enfants se faire enlever, subi le vol de son bétail et de ses chèvres, et s’est retrouvé avec des terres incultivables.
Tchiolemé, ainsi que sa fille et sa petite-fille, ont été contraints d’abandonner leur maison et leur culture traditionnelle. Leur vie est devenue très tourmentée et précaire sans sécurité alimentaire ni moyens de subsistance ou sources de revenu.
Les liens entre extrémisme violent et changement climatique
La famille de Tchiolemé compte parmi les centaines de milliers de victimes de l'extrémisme violent dans le monde. Et leur détresse est liée au changement climatique. Le Cameroun, tout comme le reste du bassin du lac Tchad, est l'une des nombreuses régions du monde où l’augmentation récente du nombre de combattants d’organisations extrémistes coïncide avec l’aggravation de conditions météorologiques extrêmes.
Si le changement climatique n'est pas forcément une cause directe de conflit, il peut indirectement en augmenter le risque. La hausse du niveau des mers, les conditions météorologiques extrêmes, les sécheresses, la désertification et les inondations peuvent provoquer l'instabilité, l'insécurité et la pauvreté, perturber l'agriculture et aggraver l'inégalité des ressources. Le changement climatique est directement lié aux migrations et aux déplacements, aux épidémies, aux pénuries alimentaires et à l'affaiblissement des systèmes de soins de santé.
Tous ces paramètres pèsent lourdement sur les facteurs d’incitation et de dissuasion de la violence. Sur les 20 pays jugés les plus vulnérables face au changement climatique,12 sont enlisés dans des conflits selon un rapport du Comité international de la Croix-Rouge (en anglais). En effet, « Les perturbations climatiques sont un amplificateur et un multiplicateur de crise », pour citer le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres.
De l'Asie centrale à l'Afrique, les effets néfastes du changement climatique sur les ressources naturelles causées par le changement climatique créent les conditions propices à l'extrémisme violent, et alimentent les causes profondes d’un mécontentement envers le secteur de la sécurité, d’une confiance limitée dans la gouvernance et l'État de droit, d'une augmentation des inégalités, des changements sociaux ou culturels rapides, ou encore de l'absence d’un développement inclusif. Nombre de ces problèmes se sont également aggravés en raison de la pandémie de COVID-19.
Parmi les exemples récents : la Syrie, où la sécheresse a précédé la guerre civile provoquant la faillite de 75 % des exploitations agricoles entre 2006 et 2011 ; l'Irak, où les sécheresses, les inondations extrêmes et les troubles économiques ont fait le jeu de l’État islamique, qui a tiré profit de la pauvreté engendrée par ces défis climatiques pour recruter des membres et semer la discorde ; et enfin le Yémen, où la sécheresse a amplifié le conflit. Selon une étude récente (en anglais), le changement climatique a accru de 3 et 20 % le risque de conflits armés au cours du siècle dernier, et cette influence devrait considérablement progresser avec l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
S'attaquer de front au changement climatique et aux conflits
Les groupes extrémistes représentent un défi important pour la construction et le maintien de la paix. Pour y faire face, le PNUD a cherché des moyens de faire avancer la sécurité climatique et la consolidation de la paix de manière conjointe, en assurant une collaboration entre les secteurs du climat, de la paix et de la sécurité.
Nous abordons le changement climatique et l'extrémisme violent comme deux phénomènes liés dans de nombreuses régions. Au Soudan, pays touché par un conflit armé, le PNUD s'efforce de venir en aide aux communautés touchées par la sécheresse en participant à la reconstruction de moyens de subsistance. En Tanzanie, nous enseignons à plus de 860 jeunes des compétences utiles pour le marché de travail et nous les aidons à créer leurs propres entreprises. Dans la région du lac Tchad, où l’anarchie et l’insurrection extrémiste violente vont de pair face à une catastrophe environnementale déjà enclenchée, le PNUD soutient la mise en œuvre de la Stratégie de la Commission du bassin du lac Tchad, qui se traduit par une coopération transfrontalière renforcée en matière de sécurité et de stabilisation, de relance rapide et d'amélioration du développement. Nous espérons que ce renforcement des moyens de subsistance réduira l’attrait d’organisations telles que Boko Haram. Grâce au Mécanisme pour le climat dans le contexte des ODD, le PNUD contribue à la restauration des marais irakiens, en permettant l’installation de panneaux solaires pour garantir une eau propre, et aider à stimuler l'économie locale par la promotion de l'écotourisme.
Le PNUD finance également des recherches sur le sujet. Les résultats d'une récente étude PNUD/OSCE en Asie centrale (en anglais) se sont avérés essentiels pour comprendre le lien entre le changement climatique et le conflit dans la vallée de Fergana, où des tensions de longue date ont par le passé débouché sur des violences entre les groupes ethniques kirghizes, ouzbeks et tadjiks.
La solution du PNUD pour prévenir l'extrémisme violent doit se fonder sur le facteur risque, et le changement climatique constitue l'un des risques systémiques qu’il faut prendre en compte. Nous devons inclure le climat dans tous les futurs travaux de consolidation de la paix et veiller à ce qu'ils comprennent des activités de développement, telles que la construction de moyens de subsistance. Il convient de mieux analyser les futurs effets potentiels de l'urgence climatique sur l'insécurité humaine. Pour prévenir et traiter l'extrémisme violent, nous devons nous intéresser à tous les facteurs de fragilité, y compris le changement climatique.