Selon la Banque mondiale, plus de la moitié de la population mondiale n’a pas accès à un service d’enlèvement des déchets ménagers. Environ 4 milliards de personnes utilisent des décharges illégales ou non réglementées, qui accueillent plus de 40 % des détritus produits dans le monde. Le Niger n’est pas épargné, la gestion des déchets ménagers constitue un enjeu énorme de la vie quotidienne de nos populations, et la problématique risque de s’aggraver durablement au vu de la forte croissance démographique et de l’urbanisation galopante. Ses conséquences, potentielles et avérées, sont énormes, tant sur le plan de l’habitat et des conditions de vie des populations, que sur le plan institutionnel, économique et social. L’Accelerator Lab. du PNUD Niger s’est donc lancé dans un cycle d’exploration sur la thématique pour mieux cerner ce défi multiforme, et identifier des pistes de réponses ou de solutions.
Malgré les efforts produits par plusieurs initiatives publiques et privées pour sensibiliser les populations et inciter au changement de comportements, le problème des déchets reste entier et les dépotoirs sauvages se multiplient dans nos villes et villages. Pourquoi et comment ces dépotoirs sont-ils organisés ? Qui est impliqué tout au long de la chaîne de collecte ? Quel traitement pour ces déchets ? En un mot, quel circuit suivent-ils ?
Nous avons mené une enquête auprès des collecteurs dans la ville de Niamey afin de cartographier le problème et comprendre où se situent les enjeux. Il s’agit de jeunes hommes, âgés de 18 à 25 ans, qui exercent leur métier de façon informelle pendant des années, pour certains depuis plus de 7 ans. Trois types d’organisation prédominent parmi ces ramasseurs :
- Les ramasseurs organisés en groupes : une autorité locale, comme le chef de quartier par exemple, est leur chef de syndicat, et leur fournit du matériel pour la collecte des déchets et rémunère les employés sur la base d’un montant forfaitaire qui est versé par jour de collecte (une fois tous les deux jours) ou bien de façon mensuelle. ;
- Les ramasseurs indépendants : ils disposent de leur propre matériel, s’organisent en petits groupes et tirent leur rémunération en fonction des quartiers où ils font la collecte. Cette rémunération peut varier de 200 XOF à 1000 XOF par jour ou de 2000 XOF à 5000XOF pour les collectes par mois. Ils n’ont pas de syndicat organisé, mais choisissent une personne de référence parmi eux, sur le critère du sérieux, à qui une certaine somme est remise pour intervenir et les défendre en cas de problème ;
Les ramasseurs indépendants non-propriétaires du matériel de collecte : ceux-ci ont des charges fixes de 8 000 XOF mensuels pour la location du matériel. Ils ne sont pas organisés en syndicat, mais utilisent le même système que les ramasseurs indépendants propriétaires du matériel (personne de référence à qui de l’argent est versé pour défendre les intérêts du groupe).
Par manque de lieux où décharger les ordures, les collecteurs s’organisent pour les acheminer vers des dépotoirs semi-informels. Ils ont cité par exemple la carrière de Koubia, où une somme forfaitaire de 100 XOF par dépôt est versée, ou la vallée de Goudel, où la décharge se fait informellement et gratuitement.
Ces lieux de décharge, non contrôlés et non régulés, recueillent les déchets ménagers sans distinction et sont situés dans des zones très proches de quartiers d’habitation (comme par exemple Goudel et Koubia). Les conséquences sanitaires (qualité des sols, qualité de l’eau…) sont lourdes pour les populations, d’autant que neuf ramasseurs sur dix ont confirmé que les déchets plastiques, à la toxicité forte, sont plus nombreux que les aliments et le sable.
De la poubelle à nos assiettes
A Niamey, l’absence de traitement des déchets affecte les zones cultivables proches du fleuve, mais aussi et surtout les petites cultures vivrières.
Ailleurs dans le pays, les conséquences sur la production alimentaire nationale sont également dévastatrices. Niamey est le premier lieu de production de déchets, mais les régions, y compris en-dehors du chef-lieu (dans les zones moins peuplées affichent également une grande concentration de déchets. Une mission de terrain de l’Accelerator Lab. (Maradi, Zinder, Tahoua, Agadez) a permis de constater que cette problématique s’étend à l’ensemble des régions du pays et touche les zones productrices, les réservoirs alimentaires du pays.
L’ensablement et les déchets plastiques sont les deux premières sources de pollution dans les régions précitées. La manque de traitement des déchets ménagers nuit particulièrement à la qualité de la production, en particulier des légumes (tomate, poivron, salades…), mais aussi des céréales qui constituent l’alimentation de base de 90% de la population nationale (mil, sorgho, niébé, arachide…). La culture vivrière est le principal moyen de subsistance dans les zones rurales, où vit 80% de la population nationale. La qualité de cette production est donc essentielle pour la sécurité alimentaire des populations.
Vers des solutions durables ?
Plusieurs pistes de solution émergent de cette première exploration, mais leur mise en œuvre semble encore difficile. La création de vraies décharges, sur des terrains consacrés à cet effet et dans le cadre d’un plan d’urbanisme qui s’assure que la problématique sanitaire est bien prise en compte (éloignement des zones d’habitation, pas de contamination des zones de production ni des cours d’eau), est nécessaire. Les actions de sensibilisation pour amener la population à prendre conscience de l’importance de gérer les déchets et adopter un comportement responsable sont essentielles, en particulier auprès des femmes et des jeunes qui occupent une place centrale dans la société nigérienne.
La concrétisation de ces mesures nécessite toutefois de s’appuyer sur un travail détaillé de collecte de données précises, celles-ci restant difficiles à rassembler du fait de la nature informelle de l’activité. La mise en place d’un suivi des déchets est aujourd’hui la première étape essentielle à la construction d’un système national de gestion responsable des déchets.
L’étape suivante de cette exploration a consisté à cartographier l’ensemble des acteurs concernés par la problématique.