LocationsL’EXPLORATION AU PNUD CÔTE D’IVOIRE
10 janvier 2023
L'équipe du Laboratoire d'Accélération du PNUD Côte d'Ivoire
« Lorsque l’accompagnement du développement est pavé de volatilité, d’incertitude, de complexité et d’ambiguïté, bien comprendre un point critique, c’est se donner la capacité de gérer ses effets et de le transformer en une opportunité de développement. C’est en cela que réside la pertinence et la force de l’exploration, dans le processus d’innovation conçu par le PNUD à travers le laboratoire d’accélération. L’exploration, comme point de départ, permet en effet de relever un défi complexe, de l'aborder de manière ouverte et diverse et d’en sortir avec des voies royales de solutions innovantes. »
1. Le bureau pays du PNUD qui voulait foudroyer l’écosystème
Il était une fois un bureau du PNUD en Côte d’Ivoire fatigué des mêmes pratiques pour les mêmes résultats souvent dépassés. Ce bureau pays voulait vraiment améliorer sa façon d’accompagner le développement du pays. Il lui fallait donc rompre avec les démarches classiques. Pour ce bureau, il était clair que quelque chose devait changer pour obtenir des résultats plus rapides, meilleurs et à grande échelle.
Le bureau décide alors qu’il est urgent de bouleverser sa façon de penser, d'agir, d'investir et de gérer.
Oui, mais... comment, quoi et quand ?
Face à ces questions essentielles, dans un environnement normé et structuré comme le PNUD, arriva l’Accelerator Lab, initiative née de la vision de l’Administrateur du PNUD et déjà présente dans environ 60 pays.
L’équipe de l’Accelerator Lab, sous l’autorité du Senior Management, a entrepris de développer à tous les niveaux des pratiques et des aptitudes à aller désormais au-delà des solutions évidentes pour rechercher, analyser et expérimenter les moins évidentes mais très efficaces, susceptibles d’être transférées mais surtout adaptées à plusieurs contextes et écosystèmes.
Très rapidement cette équipe a opté pour 3 leviers :
- Levier 1 : accompagner le Gouvernement et les partenaires nationaux à relever les défis complexes de développement à travers des activités et évènements majeurs en y apportant la touche de l’innovation
- Levier 2 : contribuer chaque année à dénicher, prototyper et expérimenter des solutions innovantes pour adresser un ou des défis prioritaires du pays
- Levier 3 : injecter l’innovation dans l’ADN du bureau pays
Habituellement, un défi est choisi, des prototypes sont élaborés pour une solution et l’on tente ensuite d’obtenir l'adhésion politique.
Le laboratoire d’accélération a commencé déjà par renverser ce processus, à partir de questions qui sont des préoccupations de premier plan pour le gouvernement et qui font déjà l'objet d'un appui politique important.
L’équipe s’est fixé ensuite une vision ambitieuse pour résoudre chaque problème de développement.
De quoi rêver et faire rêver tant les défis à relever sont de plus en plus accélérés et complexes !
2. L’exploration, le maillon incontournable de l’innovation
L'équipe du Laboratoire d'Accélération lors d'un échange avec le Représentant Résident Adjoint
Mais, comment affronter et relever efficacement un défi sans bien le comprendre et sans saisir adroitement les meilleurs angles d’attaque ?
Comment réaliser un rêve innovant et ambitieux sans au préalable, une compréhension claire de ce qui existe et de la façon dont les tendances locales, nationales et mondiales et les questions de pointe pourraient potentiellement affecter la politique et les pratiques actuelles dans un avenir proche ?
Comment aborder l’innovation sans activer la curiosité, sans analyse systémique de l’horizon, sans planifier des scenarii, sans connaître les opportunités offertes par le contexte et sans rechercher des sources alternatives pour rassembler des données et des outils d'intelligence économique ?
Comment ne pas être constamment à la recherche de solutions émergentes, discrètes et non intuitives aux problèmes de développement ?
Comment accélérer l'apprentissage et avec quels signaux de changement ?
Comment retenir les solutions innovantes sans identifier au départ les pistes de solutions les plus pertinentes ?
Et c’est là que l'exploration, 1er maillon du cycle d’apprentissage de l’Accelerator Lab s’impose.
Notre exploration a visé principalement deux objectifs, à savoir :
- Offrir la possibilité de progresser dans la résolution des problèmes de développement en répondant à la question « qu’est-ce qui se passe ? ». Cette démarche a aidé à identifier les gaps, à comprendre les nouveaux défis et les opportunités. Elle a aussi permis de déterminer ce sur quoi il convient de focaliser l’attention ;
- Découvrir un ensemble de solutions potentielles en répondant aux questions « qu’est-ce qu’on sait ? Que devons-nous savoir ? » ; ceci pour mieux comprendre le défi, chercher des pistes et possibilités de solutions insoupçonnées jusqu’alors, entraîner les parties prenantes à porter un regard neuf sur l’existant, repérer des puits de valeurs non exploités, favoriser les améliorations possibles dans les pratiques habituelles, attirer l’attention sur le potentiel d’innovation qui peut surgir dans la relative banalité du quotidien.
3. Qu’avons-nous fait pour atteindre ces objectifs ?
Mme Georgette ZAMBLE du Laboratoire d'Accélération lors d'un atelier de OUTREACH
D’entrée jeu, l’exploration a recherché toutes les données connexes sur le défi central à adresser et a tenté de comprendre comment d’autres catégories de personnes et d'autres pays ont abordé cette question, afin de pouvoir appliquer ce qui fonctionne à la Côte d’Ivoire.
Ce 1er pas de notre exploration a donc commencé par une recherche documentaire en versions imprimée et virtuelle, pour identifier des études de cas pertinentes, des parties prenantes et de nouvelles sources de données potentielles, des modèles, des opportunités imprévues et des informations sur la manière d'aborder des sujets aussi vastes et complexes que la foresterie, l’entrepreneuriat innovant jeunes, l’autonomisation des femmes, la covid-19, la gouvernance, la réduction des inégalités, la gestion durable des ressources naturelles.
Après l’analyse des résultats de cette recherche, nous avons exploré et analysé chacun de ces points critiques, non seulement sous divers angles - politique, social, économique, etc. - mais aussi du point de vue de divers.e.s observateur.trice.s.
Pour y arriver, nous avons opté pour intégrer la dimension genre et nous avons mis en place des plateformes de consultation et de recherche de solutions en vue de disposer d'une vue large des parties prenantes des écosystèmes mais aussi des environnements généraux à l’origine des problèmes.
Ainsi, depuis 2019, onze plateformes ont vu le jour et collaborent avec l’équipe de l’Accelerator Lab. Il s’agit notamment de celles du monde des arts, des agents des eaux et forêts, des médias modernes (Télé, radio, internet) et traditionnelles (griottes), des bloggeur.se.s et influenceur.se.s des réseaux sociaux, des spécialistes du digital, des spécialistes de la robotique et de la dronotique, des entrepreneur.e.s et start-ups, des spécialistes des sciences psychosociales, de diverses parties prenantes publiques et privées pour l’autonomisation des femmes, de discussion et de consultations avec diverses parties prenantes pour la création d’un outil digital de collecte de solutions innovantes dans les communautés, en temps réel sur le territoire national. Sans oublier la plateforme digitale YIMBA sur les médias sociaux - réseaux sociaux, blogs, sites web, médias en ligne – pour analyser en temps réel les besoins et préoccupations et centres d’intérêt des internautes ainsi que les réponses qui leur sont apportées.
Pour réaliser l’exploration, nous avons organisé des sessions d’intelligence collective, des séances de sense making et de issues mapping avec des publics évidents et non évidents c’est-à-dire des personnes qui ne sont pas d’ordinaire associées aux réflexions et à la recherche de solutions. Nous avons utilisé à cet effet diverses méthodes elles-mêmes innovantes et des technologies nouvelles. Nous avons souvent amené des parties prenantes à présenter les récits de leurs points de vue et nous avons ainsi recueilli des données autant de sources officielles que non conventionnelles.
Notre exploration ne s’est donc pas contentée de repérer des approches non évidentes, mais a conçu des moyens de découvrir rapidement leur valeur et de les mettre en application.
Ainsi, dix-huit principales méthodologies ont été utilisées pour :
i. Comprendre les défis et identifier les gaps et les défis prioritaires sur lesquels il faut vraiment se concentrer à savoir analyse documentaire et recherche web, analyse émotionnelle des médias et réseaux sociaux à travers l’application digitale YIMBA, études de terrain, sessions d’intelligence collective en ligne ou en présentiel (outreach, de headlines of tomorrow, de issues mapping et de sense making ;
ii. Planifier des scénarii et dénicher des idées et solutions innovantes à travers notamment l’analyse émotionnelle des médias sociaux, la session de Youth Innovation Entrepreneurship Lab, des concours, la mise à contribution de chercheurs participant à un symposium, des enquêtes et débats en ligne, des micro-trottoirs, des « Innovation brunch » avec la méthode de réflexion collective des ‘’6 Chapeaux de Bono’’, les « Cafés du Lab » pour rechercher et vendre en interne les solutions innovantes ;
iii. S’inspirer des expériences pertinentes à partir de concours d’anecdotes sur la foresterie et d’une sortie d’immersion dans l’innovation pour le senior management et les principaux responsables d’unités, de programmes et de projets pour leur permettre d’adopter l’innovation et de découvrir de nouveaux outils.
La participation féminine aux différentes sessions est passée de 32 à 41% en 2020 à 62,26% en 2021.
Grâce à cette panoplie de méthodologies, 64 défis émergents ont été relevés et explorés dans les domaines de la foresterie, de la covid-19, de la gouvernance, de la réduction des inégalités, de l’inclusion socio-économique des femmes et des jeunes et de la gestion durable des ressources naturelles.
Cette étape de l’exploration, en plus de fournir des enseignements sur les schémas, les relations, les perceptions et les modèles mentaux qui existent sur chaque défi identifié en tant que système, a permis à notre équipe d’identifier clairement les gaps, d’élargir le spectre de solutions et nous a donné de nouvelles idées sur la manière d'aborder le défi en question.
Certaines de ces idées pouvaient ne pas être évidentes à première vue, ou pouvaient aller à l'encontre des schémas classiques et de la compréhension commune.
Or, c’est pour briser les cades établis et pour sortir des sentiers battus qui ont clairement révélé leurs limites, que nous avons utilisé dans notre exploration des méthodes différentes mais complémentaires pour donner un sens aux données contre-intuitives parce que justement une idée contre-intuitive pourrait s’avérer plus pertinente.
Après la combinaison des informations recueillies dans nos recherches documentaires avec celles obtenues par la réflexion systémique et les exercices de prospective pour créer des futurs possibles, notre exploration a croisé les points de vue et s’est donné les bonnes hypothèses de travail.
Enfin de compte, nous avons proposé à l’issue de l’exploration, toute une gamme de solutions innovantes pour adresser les problèmes complexes de développement qui ont été identifiés.
En effet, en l’espace de trois ans, c’est 403 pistes de solutions qui ont été explorées pour adresser les défis relatifs principalement à la forêt, la covid-19, la gouvernance, la réduction des inégalités, la gestion durable des ressources naturelles.
De ces solutions, nous avons retenu une soixantaine qui sont soit prototypées, soit en cours d’application ou de cartographie au niveau du 2ème maillon clé du laboratoire d’accélération.
