Digitalisation du Système Judiciaire congolais
Vers la transformation numérique du système judiciaire en RDC par la méthode “Human Centered Design”
12 mai 2023
Le secteur de la justice en RDC dépend encore d'une ancienne administration qui utilise toujours un système de traitement manuel des données, une approche qui entraîne des retards et l'obsolescence des données affectant le processus de prise de décision et leur qualité.
A cet effet, depuis 2016, le PNUD à travers sa contribution pour la consolidation de la Paix et le renforcement des institutions démocratiques, en collaboration avec les partenaires techniques et financiers dont le Bureau Conjoint des Nations Unies pour les Droits de l'Homme, l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime et de nombreux autres partenaires, ont été impliqués dans le développement d'initiatives stratégiques et innovantes pour répondre de manière efficace et efficiente aux défis du développement à travers la numérisation du secteur de la Justice.
Avec son programme de réforme de la justice, le PNUD RDC avait entrepris en 2016 de concevoir plusieurs outils numériques (logiciels, mobiles et applications - utilisés à la fois sur les téléphones, les tablettes et les ordinateurs) pour améliorer la gestion de la carrière des magistrats, des détenus et des activités judiciaires. Il s’agit notamment du :
SIGAJ (Système d’Information de Gestion des Activités Judiciaires) pour les parquets et les tribunaux.
SIGM (Système d'Information de Gestion des Magistrats) pour le Conseil Supérieur de la Magistrature.
SIGE (Système d’Information de Gestion des Ecrous) pour les prisons avec une application mobile.
A la suite d’un exercice de “sense making”, le laboratoire d’accélération a identifié la nécessité de tester les outils et a proposé à l’unité de gestion du projet un protocole d’expérimentation susceptible de garantir une expérience utilisateur satisfaisante dans un contexte de résistance au changement. Ces outils visent notamment à renforcer l'efficacité, la transparence et la responsabilisation des acteurs œuvrant dans la chaîne pénale.
Quelles sont les méthodes utilisées ?
La Human Centered Design au cœur de tout cela
Le laboratoire d'accélération du PNUD en RDC a travaillé avec l’Unité de gestion de projet de la réforme de la justice pour déployer les outils au sein de 6 juridictions, parquets et 2 prisons pilotes à Kinshasa. Après avoir défini le cadre des tests d'acceptation par l'utilisateur (UAT) le déploiement s’en est suivi dans un environnement réel. Un échantillon d'utilisateurs a été constitué, formé au système et sensibilisé à identifier les faiblesses des outils.
Pour arriver à nos fins, le laboratoire d’accélération a opté pour la méthode “human centered design” qui vise à créer des solutions non seulement pertinentes mais aussi en adéquation avec le contexte humain, règlementaire et technologique des bénéficiaires. Cette approche a le mérite d’impliquer la sphère émotionnelle et comportementale des bénéficiaires au premier plan du processus de développement afin de sécuriser une appropriation sur la durée. Cette approche permet de :
Concevoir avec qualité et pertinence : cette étape a consisté à privilégier la constitution d’un échantillon d’utilisateurs - testeurs représentatif de base de la pyramide des opérations de justice dans la chaine pénale congolaise, civile comme militaire. Ainsi les greffiers, magistrats de parquet, juges et membre du secrétariat du conseil supérieur de la magistrature ont été mis à contribution pour informer et proposer les changements de conception par consensus.
. Briser les silos : la représentativité des fonctions clés de la chaine pénale visait à décloisonner la dynamique de partage d’informations entre les différents corps de métiers caractérisé par une forte hiérarchisation. L’objectif étant de favoriser les échanges ouverts et l’empathie dans les formulations de recommandations au cours des sessions d’intelligences collectives.
. Capitaliser sur les boucles de rétroaction : le protocole d’expérimentation a intégré une donne itérative dans les évaluations du pilote et les sessions d’intelligences collectives. Proche du "Fail Fast", qui consiste à tirer rapidement les leçons des échecs et à découvrir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, les boucles ont permis l’amélioration progressive des outils par la récurrence des diagnostiques au sein du pilote.
Incuber- concevoir- construire : l’approche a consisté à procéder à des prototypages en temps réel des changements progiciels préconisés pendant les sessions d’évaluations pour raccourcir les délais d’intégration.
Jonction avec la lutte contre la corruption : une aubaine pour la suite...
La corruption est devenue systémique en République démocratique du Congo, touchant tous les secteurs et tous les niveaux. Dans ce contexte, elle favorise la marchandisation de la justice qui ne devient favorable qu'aux plus aisés et entrave clairement l'accès à la justice, le droit à un procès juste et équitable pour tous les citoyens. A la suite de l’expérimentation satisfaisante, le laboratoire d’accélération avec le pilier gouvernance du PNUD RDC au travers de son projet d’appui à la lutte contre la corruption, ont conçu et soumis une initiative dans le cadre du projet mondiale “UNDP’s Anti-Corruption for Peaceful and Inclusive Societies (ACPIS)”.
Le projet “BOYE NDE MALAMU a été approuvé en 2021 et des fonds ont été alloué pour déployer les outils à grande échelle pour couvrir 6 prisons, 19 juridictions et offices repartis sur Kinshasa, Matadi, Lubumbashi, Goma et Kananga. Cette mobilisation des ressources pave le chemin pour la durabilité du processus de transformation digitale par la création de valeur auprès des utilisateurs (greffiers, magistrats et juges) pour une justice efficiente, transparente et équitable pour tous.
Leçons tirées de l'expérimentation.
La première version du système a été révisée à la suite des contribution des utilisateurs du projet. De nombreux enseignements ont été tirés au début de ce projet sur l'innovation dans le secteur public, à savoir
La Human Centered Design permet d’éviter des obstacles dans la conception et l’adoption des outils digitaux à cause de son fort niveau d’implication des utilisateurs sur toute la chaine de production
L'innovation dans le secteur public nécessite une méthodologie agile pour être efficace, car les exigences et les priorités peuvent changer rapidement et l’apprentissage par essai erreur est un atout certain.
Les partenariats de collaboration peuvent être très efficaces pour stimuler l'innovation numérique. Ces partenariats rassemblent des perspectives, des compétences et des ressources diverses pour relever des défis complexes.
Ouverture et transparence : ces deux concepts sont les maitres mots à considérer dans le processus car cela instaure la confiance avec les utilisateurs et les parties prenantes.