Le PROSMED appuie le renforcement de la sensibilité au genre des services de la sécurité et de la justice
13 juin 2023
La situation de la femme au Mali reste très difficile. L’Indice d’Inégalité de Genre (IIG)[1], qui reflète le déséquilibre fondé sur le genre, classe le Mali 155ème sur 191 pays dans le dernier rapport sur le développement humain 2021/22 du PNUD. Le Mali occupe en outre la 50ème sur 52 dans le classement de l’indice sur l’égalité du genre en Afrique publié en 2015 par la Banque Africaine de Développement[2]. Cette situation transparait dans tous les secteurs de la société malienne, y compris dans l’administration publique et dans les services de la sécurité et de la justice en particulier.
Au regard de ces constats, ONU Femmes, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et la MINUSMA, ont démarré depuis 2020 une série d’activités afin de renforcer la sensibilité au genre des acteurs de la sécurité et de la justice ainsi que la représentativité des femmes au sein du système judiciaire dans le cadre du Programme d’Appui à la Stabilisation du Mali à travers le renforcement de l’État de droit (PROSMED) mis en œuvre avec le soutien financier de l’Ambassade des Pays Bas et le Fonds du Secrétaire Général des Nations Unies pour la Consolidation de la Paix (PBF).
En 2021, une étude sur la prise en compte du genre et des droits humains dans le fonctionnement des juridictions de la chaine civile et pénale a été réalisée permettant d’orienter les actions du programme. De juillet 2021 à décembre 2022, 178 acteurs de la sécurité et de la justice dont 80 femmes ont été formés sur les concepts de l’équité du genre et des violences basées sur le genre (VBG). L’accent a été mis sur les formes, les causes et les conséquences de ces violences, les normes nationales, régionales et internationales de protection des survivantes, les outils, les stratégies d’intégration du genre dans la lutte contre les VBG et le traitement sensible au genre des dossiers.
Le programme a en outre appuyé la création de l’Association Malienne des Femmes Juges dénommée (AMAFEJ) afin de contribuer au renforcement de la représentativité des femmes au sein du système judiciaire dont seulement 58 femmes font partie, c’est-à-dire, le 10% du corps et améliorer l’accès égal à la justice et au droit des femmes et des filles.
L’Assemblée générale constitutive de l’AMAFEJ s’est tenue en août 2022 à Bamako. La cérémonie de clôture de la rencontre a été présidée par le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, M. Mamadou KASSOGUE, la Ministre délégué chargée des questions institutionnelles, Mme Fatoumata Sékou DICKO et la Représentante adjointe d’ONU Femmes, Mme Marie Pierre Raky Chaupin qui a souligné le rôle clé des femmes comme actrices incontournables de la justice : « je lance un appel aux membres de l’Association Malienne des Femmes Juges/Magistrates du Mali pour leur engagement effectif à promouvoir la participation des femmes dans le secteur de la justice et accompagner les femmes vulnérables pour un accès équitable à la justice afin de mettre fin à l’impunité ».
Mme. Kankou SANGARE DIARRA, Présidente du Tribunal de Grande Instance de Ségou, a indiqué qu’ « aujourd’hui 5 août 2022 reste un grand jour dans la vie associative, elle marque les fonds baptismaux de l’AMAFEJ. C’est un début, mais un début prometteur qui nous a permis d’avoir un statut et un règlement intérieur d’une part et d’autre part la mise en place des organes statutaires. Aussi, nous disposons d’un plan d’action pour les trois prochaines années. Ce plan est en lien avec nos objectifs, car il traite les renforcements de capacités des membres de l’association ; l’égalité de chances et d’opportunités pour les femmes magistrates dans les hautes fonctions ; la promotion du leadership féminin ; l’accès des femmes aux carrières judiciaires ; la lutte contre les violences basées sur le genre et l’accès des femmes à la justice et au droit ».
Le PROSMED a aussi appuyé le développement du plan triennal d’actions de l’AMFEJ et a renforcé les capacités des membres de l’association sur le rôle et la place des femmes juges dans la prise en compte des questions de genre au sein des services judiciaires, l’expérience des organisations de la société civile dans le combat de l’égalité et de l’équité de genre au Mali et dans l’accès des femmes à la Justice. Moussa Drissa GUINDO, représentant du Syndicat Autonome de la Magistrature précise que « la naissance de l’AMAFEJ est une belle initiative, qui contribue à l’effectivité des droits des femmes de façon générale, mais également à assurer le leadership des femmes magistrates sur les problématiques de genre et de lutte contre les VBG. En tant que représentant du Syndicat Autonome de la Magistrature à l’Assemblée Générale Constitutive, la détermination que j’ai vue ici, donne un grand espoir pour la promotion du genre dans le secteur de la justice ».
La question de la sensibilité au genre a aussi été prise en compte dans la réalisation des infrastructures de sécurité et de justice à travers la revue des plans de construction afin qu’ils répondent spécifiquement aux besoins de l’ensemble des membres du cercle sociale avec un focus sur l’accès des femmes et des jeunes à la sécurité et la justice.
[1] L’indice d’inégalité de genre (IIG) reflète les écarts entre les genres dans trois domaines : la santé procréative, mesurée par les taux de mortalité maternelle et de natalité parmi les adolescentes ; l’autonomisation, mesurée par la proportion de sièges parlementaires occupés par des femmes, ainsi que par le niveau d’études atteint par les filles et les garçons dans l’enseignement secondaire et supérieur ; et l’activité économique, mesurée par le taux de participation des femmes et des hommes au marché du travail. Sa valeur est de 0,613 en 2019. Rapport sur le développement humain, PNUD 2021/22.
[2] Autonomiser les femmes africaines : Plan d’action, Banque Africaine de Développement (BDA), 2015. https://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/African_Gender_Equality_Index_2015-FR.pdf