Problématique d’accès à l’eau potable au sein de communauté spécifique

L’accès à l’eau potable demeure un problème majeur et urgent, malgré les efforts que le gouvernement et les partenaires consentent au quotidien pour les communautés. Selon la Direction Nationale de l’Hydraulique le taux d’accès à l’eau est de 65,9% en milieu rural et 76% en milieu semi urbain et urbain et 68,8% au niveau national (DNH rapport d’activités 2018). 

Bien que le problème soit général, nous avons choisi, dans le cadre de ce test, de nous concentrer sur les communautés spécifiques « Ne laisser personne de côté », notamment les campements de pêcheurs et certaines populations vivant dans l’inter fleuve Bani-Niger. Les espaces habités par ces communautés ne disposent en général pas d’équipements de forage à cause de l’accès difficile voire impossible au camion de forage. Lorsque nous commencions le test, la Directrice d’une école publique de 218 élèves, située sur l’île Djalagoun sise à Badalabougou, nous a sollicités en attirant notre attention sur les conditions de vie et d’études difficiles des enfants, ainsi que de toute la population résidente sur ladite île. 

Au cours d’une visite exploratoire destinée à répondre à la sollicitation de la Directrice, nous avons pu constater qu’il était impossible d’accéder aux lieux à voiture. Les pirogues et les pinasses des pêcheurs des campements riverains constituent les moyens de transport appropriés et disponibles. Pendant les jours de cours, les piroguiers transportent les élèves des campements de pêcheurs vers l’école publique qui s’y trouve. Les enfants, munis de bouteilles ou de petits bidons, apportent avec eux une petite quantité d’eau pour les besoins de la journée. Mais lorsque cette eau s’épuise, l’administration scolaire arrête les cours pour le reste de la journée. 

Cette situation serait fréquente pendant la période de forte chaleur. Pour remédier à cette pénurie si éprouvante pour toute l’école, l’administration scolaire a mis en place une astuce d’approvisionnement en eau potable qui consiste à remplir des bidons de 20 litres à partir d’une localité voisine, la cité du Niger, située à environ 2 km sur le versant opposé du fleuve. 

Dans cet espace exploité par environ 48 agriculteurs et 218 élèves plus le corps enseignant et l’administration scolaire, l’accès à l’eau potable apparaît comme un besoin prioritaire pour les populations : l’eau, c’est la vie. 

Comment alors accéder à l’eau potable pendant qu’on se trouve au beau milieu du fleuve ? Nous avons appris, au cours de notre mission, que cette situation n’est pas spécifique à cette île mais qu’elle concerne bon nombre de localités de migration des pêcheurs dans l’inter fleuve Bani-Niger. Partout où des communautés vivent sur les îles ou aux abords du fleuve Niger, elles se trouvent confrontées à des difficultés d’accès à l’eau potable. Quelles alternatives au forage pour répondre au besoin urgent d’accès à l’eau potable au sein de ces communautés vivantes au bord ou sur des îles du fleuve Niger ? Comment rendre potable l’eau émanant des puits à grand diamètre au profit des communautés vulnérables ?

Innovation & accès à l’eau potable : description d’un système de filtration lente d’eau sur du sable 

A travers nos recherches, nous avons identifié un système de filtration lente d’eau sur du sable. Ce dispositif peut constituer une alternative au forage dans les localités où il est difficile d’accéder avec les véhicules de forage et où il existerait des puits à grand diamètre sans une solution de filtration.

Commençons donc à savoir comment fonctionne le système de filtration lente d’eau sur du sable qu’un jeune innovateur a proposé en réponse au défi lié à l’accès à l’eau potable sur les îles et dans les localités enclavées.

Le système de filtration lente d’eau est un ouvrage composé d’une colonne d’alimentation en eau brute et d’un bassin de filtration. L’eau collectée à partir du fleuve passe par un procédé de filtration qui élimine les organismes pathogènes contenus dans l’eau brute, en particulier les bactéries et les virus. L’eau ainsi obtenue à la suite de ce traitement est une eau potable. Dans le cadre de notre test, nous avons installé le dispositif dans la cour de l’école publique et avons testé un échantillon de l’eau obtenue au laboratoire de la Société Malienne de Gestion d’Eau Potable. Celle-ci a indiqué dans ses conclusions que les paramètres physico-chimiques et bactériologiques analysés de l’eau sont conformes aux directives de l’OMS. Il convient de signaler que le dispositif existe aussi en miniature pour les besoins domestiques. Dans l’ensemble, ce dispositif nécessite un entretien et une gestion efficace afin de pérenniser l’initiative. 

Comment avons-nous procédé dans le cadre de l’expérimentation ?

Gestion participative et inclusive du système de filtration lente d’eau sur du sable

Lorsque nous avons pris la décision de tester l’initiative sur l’île de Badalabougou, l’une de nos préoccupations était la gestion de cet ouvrage afin d’éviter le disfonctionnement à terme. Ainsi, nous avons redynamisé le comité de gestion de l’école afin qu’elle s’implique dans la gestion de l’ouvrage tout en assurant les entretiens périodiques comme le renouvellement des matériaux de filtration qui sont locales et disponibles partout.

Nous avons procédé au renforcement des capacités des 25 membres du comité de gestion qui, désormais, sont aptes à assurer une gestion efficace et efficiente de l’ouvrage. Il faut signaler que depuis installation dudit ouvrage, les populations résidentes s’y approvisionnent en eau potable (élèves, administration scolaire, cultivateurs etc.).

Analyse comportementale des bénéficiaires du système de filtration lente d’eau sur du sable

Yves M. disait : « On ne peut rien sans l’eau, on reste impuissant contre l’eau, mais on peut tout avec l’eau ». Cette citation montre l’importance de l’eau potable dans l’amélioration des conditions de vie. Elle est d’autant plus vraie sur l’île Djalagoun de Badalabougou et au sein de l’école publique. Chaque matin, les enfants, avant de monter à bord de la pirogue pour se rendre à l’école, s’assurent qu’ils portent avec eux leurs bouteilles d’eau potable parce qu’ils savent que la journée risque de devenir très longue sans cette précieuse denrée. Selon l’administration scolaire, malgré les réserves d’eau stockées dans les bidons de 20 litres, il arrive que les cours soient arrêtés à cause du manque d’eau, surtout pendant la période de forte chaleur. Elle nous a informés qu’il arrivait souvent que certains enfants consomment l’eau du fleuve, ce qui entretient les risques de maladie diarrhéique. Certains élèves, nous a-t-on appris, ont déjà souffert de ces maux, même si ces cas demeurent rares. 

L’administration a mis en place une stratégie d’approvisionnement non payante mais qui nécessite qu’un piroguier se rende dans un quartier situé non loin de l’île pour remplir les bidons. Compte tenu de leurs occupations journalières, les piroguiers sont souvent réticents à accepter le transport des jerrycans d’eau, surtout que le temps d’attente nécessaire au remplissage des bidons est souvent très long.  Cette situation est aussi valable pour les ménages résidents qui vont s’approvisionner dans le même quartier voisin.

Il convient de signaler que sur cette île, les populations, y compris les élèves, ont recours à l’eau du fleuve pour les besoins domestiques (lessive, vaisselle, entretien des toilettes etc.). Cette situation soulève des questions relatives à l’hygiène en général. Les récipients utilisés pour conserver et boire l’eau potable sont lavés avec l’eau du fleuve de même que les légumes et fruits consommés. 

Depuis l’installation du système de filtration lente d’eau sur du sable, nous avons appris qu’il y a des changements dans les comportements. Désormais, les élèves n’ont plus besoin d’amener les bouteilles d’eau à l’école car l’eau est disponible sous la bienveillance de l’administration qui informe sur les bonnes pratiques. Quant à l’administration, elle n’a plus recours au service des piroguiers, et les cours ne sont plus arrêtés parce que l’eau potable est disponible à tout moment. Concernant les ménages d’agriculteurs, ils s’approvisionnent désormais dans la cour de l’école et passent plus de temps dans leurs champs à cause de la disponibilité de l’eau. Le recours systématique au fleuve pour les besoins domestiques a considérablement diminué.

Leçons apprises et perspectives

Nous avons appris combien les innovations peuvent contribuer à l’amélioration des conditions de vie et à l’accélération de l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD). Toutes nos hypothèses de changement ont pu être vérifiées, à savoir ceci : « Si le système de filtration lente d’eau était installé, alors les arrêts de cours pour manque d’eau potable prendront fin » et « si le système de filtration lente d’eau était installé, alors les conditions de vie seraient améliorées sur cette île ». Nous pensons que de telles initiatives, en raison de leur coût identique à celui d’un forage, peuvent être intégrées dans différents portefeuilles d’interventions. Elles peuvent ainsi contribuer à stabiliser les communautés là où il n’existe aucun dispositif de filtration d’eau permettant aux populations d’accéder à l’eau potable. Nous avons aussi appris que dans beaucoup de nos localités, il n’existe que des puits à grand diamètre dont l’eau est impropre à la consommation.

En effet, le dispositif en miniature intra domiciliaire et transportable peut faire l’objet d’une vulgarisation afin que les communautés vulnérables confrontées à cette problématique puissent s’en approprier avec l’assistance des projets et programmes. La disponibilité des matériaux partout au Mali fait que le système en miniature est pratique.