Femmes entrepreneures dans le Sud de la Tunisie : Le parcours de Sana

Par : Selma Cheikh Melainine – CTP – Entrepreneuriat pour le développement . Mehdi Boujemâa – Chargé de la communication - Entrepreneuriat pour le développement

19 octobre 2022

 

Sana est une artisane, exerçant son activité à côté de l’oasis de sa région natale de Kébili, en Tunisie. C'est une jeune micro-entrepreneure en début de carrière, sérieuse et ambitieuse. 

L'activité de Sana consiste à fabriquer des objets de décoration et des meubles à partir de déchets de bois de palmier. Elle transforme le bois en utilisant des techniques de peinture et de gravure et crée des sculptures, des bibelots, des miroirs, des chaises et des armoires. 

Au début, elle a commencé avec des fibres de palmier et des petits morceaux de déchets de bois. Son père, qui travaillait dans la palmeraie, a remarqué ses besoins et a commencé à lui apporter des morceaux bois plus gros et de meilleure qualité. 

Encouragée par sa mère, Sana a ouvert un petit magasin en 2017, puis un petit atelier en 2020. Aujourd’hui, elle a déménagé dans un nouvel atelier, plus grand. Elle a pu louer un entrepôt dans la zone industrielle de la région pour élargir son activité. 

 

Son ambition et sa détermination lui ont permis de prospérer, mais son parcours n'a pas été facile. Elle a dû faire face à de nombreux défis, tels que la difficulté d'accès aux opportunités de financement et aux marchés, ainsi que les problèmes de transport et de transformation de la matière première. 

En effet, l'un des plus grands défis qu'elle ait rencontré est lié au transport : Elle devait faire appel à des transporteurs pour acheminer le bois de la palmeraie à l'atelier et  par la suite les produits finis de l'atelier aux points de vente. La transformation du bois présentait également un défi important, celle-ci devait être effectuée par un menuisier. Avec l'acquisition de sa propre machine, elle peut le faire elle-même, ce qui représente un gain non négligeable de temps et d’argent. 

"L'une des raisons pour lesquelles j’ai déménagé dans un nouvel atelier est que j'ai constaté qu'il y a beaucoup de manque à gagner sur le transport. Le fait d'être dans la zone industrielle va me permettre de faire des économies.

Passionnée, elle a fait preuve ces dernières années d'une grande résilience, ce qui lui a permis de maintenir et de développer son activité dans un contexte économique difficile et une crise sanitaire de longue durée.  

 

Dans son parcours, Sana a été accompagnée par le PNUD Tunisie, à travers le projet Entrepreneuriat pour le Développement qui appuie l’inclusion financière des femmes entrepreneures dans les gouvernorats du Sud, dans le but de réduire les inégalités de genre et les obstacles structurels à l'autonomisation économique des femmes.   

Ainsi, le PNUD lui a permis de renforcer ses capacités à travers diverses formations en management, marketing digital, e-commerce, communication et inclusion financière. Grâce à ces formations, Sana est aujourd’hui capable de distinguer les opportunités et les menaces pour ses activités, de développer son plan d'affaires, de gérer les flux de l'offre et de la demande, de séparer dépenses familiales et professionnelles, de développer une stratégie marketing et de diversifier son activité. 

Sana a également bénéficié d'un accompagnement direct et personnalisé en Design artisanal pour améliorer ses produits en termes de conception, d'emballage, de fonctionnalité, de choix de couleurs, et d’en faciliter la commercialisation. 

Femme artisane

 

En 2021, Sana a contribué à la mise en œuvre de l'initiative « Behavioral Insights for Entrepreneurship » menée par les équipes du projet Entrepreneuriat pour le dévelopment et de l'Accelerator Lab du PNUD Tunisie, en collaboration avec Attijari bank Tunisie. 

« Behavioral Insights for Entrepreneurship » est une initiative lancée par le PNUD pour étudier et comprendre les facilitateurs et les obstacles comportementaux pour un environnement robuste, dynamique, inclusif et adapté aux jeunes, qui permet aux jeunes de se lancer dans l'entrepreneuriat et de devenir des entrepreneur.e.s à succès. Le PNUD Tunisie a mené une expérimentation pour comprendre les obstacles à l'inclusion financière des femmes entrepreneures dans les régions du Sud de la Tunisie.   

Une fois les comportements des entrepreneurs identifiés, l'intervention s'est concentrée sur le changement de leur perception de la banque et de leur utilisation des services et des produits financiers.   

Les entretiens menés avec Sana et autres femmes micro-entrepreneures du Sud ont montré que la faible sensibilisation et la peur des conséquences entraînent un manque de confiance important envers le système bancaire. Les produits et les offres bancaires sont perçus comme inadaptés, difficiles à comprendre et déconcertant. Pour la plupart de ces femmes, la banque est perçue comme une boîte obscure ! 

"Je n'ai jamais eu de relation étroite avec ma banque ; juste un compte courant pour déposer et retirer de l'argent. Je pensais que le maximum que l'on puisse faire à travers les  services bancaires, est de transférer de l'argent. Je pensais aussi que les prêts ne sont accordés qu'à ceux qui ont un salaire fixe.

Pour changer cette perception et ce comportement à l'égard des banques, Sana et ses collègues entrepreneures ont été invitées par le PNUD et son partenaire Attijari bank à participer à des ateliers d'intelligence collective pour échanger des idées et commencer à instaurer la confiance avec les institutions financières.  

D'une part, les femmes ont eu l'occasion d'exprimer leurs frustrations à l'égard des banques et de poser des questions sur les produits et les services bancaires. D'autre part, Attijari bank a saisi l'occasion pour démystifier l'image de la banque et ouvrir des discussions pour intégrer les besoins des femmes entrepreneurs dans leur offre. 

 

Les discussions ont permis de dégager des idées intéressantes qui ont conduit à la proposition de nouvelles offres financières, basées sur les contributions et les recommandations des entrepreneures et adaptées à leurs besoins spécifiques.   

Ainsi, selon les femmes entrepreneures, le pack bancaire idéal devrait inclure (i) un soutien administratif (spécifiquement pour la constitution de l'entreprise), (ii) une flexibilité de paiement, (iii) une formation à la gestion d'entreprise, (iv) une éducation financière (v) une transparence et de la communication. 

Cette initiative du PNUD a permis à Sana et aux autres femmes entrepreneures de faire un pas en avant vers l'inclusion financière.  Elle les a aidées à surmonter leur "peur" de la banque et à comprendre que les banques sont aussi là pour elles et qu'elles peuvent utiliser de nombreux  services, en plus de l'épargne et des petites transactions. 

Sana était en effet très enthousiaste à l'idée de savoir qu'il existe (et qu'il existera) des services financiers adaptés à son activité et qu'elle a la possibilité de bénéficier d'un prêt et d'un soutien pour développer son entreprise. Elle sait maintenant qu'elle peut avoir deux comptes bancaires distincts, un compte personnel et un compte professionnel, pour mieux organiser sa gestion financière. 

"Avant, je pensais que la banque n'était accessible qu'aux personnes aisées et que ce n’était pas pour moi, car je ne fais que des petites transactions.  Les ateliers du PNUD nous ont permis de rencontrer une délégation de la banque, qui est venue nous proposer des offres de services adaptées à nos activités. J'ai été surprise par les offres ; elles peuvent rendre mon activité plus dynamique et plus agile.

Ainsi, l'appui du PNUD pour l'accès aux services financiers, combiné au renforcement continu des capacités de Sana et de centaines de femmes entrepreneures, assurera le développement, la résilience et la pérennité de leurs entreprises et le renforcement de l'écosystème entrepreneurial dans le Sud. 

Le PNUD Tunisie, soutenu par ses principaux donateurs, dont le Royaume de Norvège, continuera à travailler avec ses partenaires, du secteur public, du secteur privé et de la société civile, pour mettre en œuvre efficacement les stratégies sur l'entrepreneuriat, soutenir le développement de l'économie sociale et solidaire à travers l'entrepreneuriat social et les projets de micro-entreprises, et renforcer l'autonomisation économique des femmes à travers l'entrepreneuriat, dans le but de " Ne laisser personne pour compte". 

"Grâce à ma persévérance et au soutien que j'ai reçu, je suis bien positionnée en tant que femme entrepreneure à Kébili. Pour moi, c'est une grande réussite !