Justice Transitionnelle (Phase II)

Contexte et justification

A la suite du changement politique qui s’est produit en Tunisie, en janvier 2011, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a développé une stratégie de transition pour appuyer la mise en place d’un nouveau système de gouvernance fondé sur l’Etat de droit. Cette stratégie prévoit, entre autres priorités, un appui à la mise en place d’un processus de justice transitionnelle, en vue de traiter les conséquences des violations massives des droits de l’Homme commises durant la période précédente.

Dans ce contexte, le PNUD soutient, depuis mars 2012, la mise en place de la phase initiale du processus de justice transitionnelle. Cet appui a permis d’organiser un dialogue national intégrant les victimes et leurs associations, ayant permis l’élaboration consensuelle d’un projet de loi sur la justice transitionnelle, en cours d’examen par l’Assemblée Nationale Constituante (ANC). La première phase du projet a également permis de soutenir plusieurs initiatives de la société civile en appui aux victimes, ainsi que des actions de sensibilisation sur le processus de justice transitionnelle. Le projet a en outre appuyé les autorités dans leur volonté de réformer le secteur de la justice, afin de contribuer à la mise en place de mesures pouvant garantir la non-répétition des violations commises dans le passé.

Le projet de loi sur la justice transitionnelle prévoit un ensemble de mécanismes visant à rechercher la vérité sur les violations des droits de l’Homme, d’engager des poursuites contre les auteurs présumés, d’en dédommager et d’en réhabiliter les victimes, ainsi que de préserver la mémoire et de mettre en place des garanties de non-répétition. Ce texte prévoit, notamment, la création d’une Instance Vérité et Dignité (IVD), qui devra faire la lumière sur les violations commises depuis l’indépendance et mettre en place un fonds pour la réparation des préjudices. La loi insiste aussi sur le rôle des institutions judiciaires chargées des poursuites contre les auteurs présumés des violations, ainsi que sur la nécessité de mesures de protection des témoins et des victimes devant être auditionnés dans le cadre du processus.

Pour contribuer à l’opérationnalisation effective du processus de justice transitionnelle en cours, le PNUD entend à présent, conjointement avec le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme (HCDH), qui a ouvert un bureau en Tunisie, appuyer le travail des mécanismes prévus par la loi sur la justice transitionnelle. Ce soutien s’adresse à l’Instance Vérité et Dignité, mais aussi aux institutions judiciaires chargées de poursuivre les auteurs des violations graves et des infractions liées à la corruption. Le PNUD prévoit, en outre, d’accompagner directement les victimes auprès des différentes instances intervenant dans le cadre du processus de justice transitionnelle, afin que les violations subies soient reconnues, que les auteurs soient poursuivis et qu’elles obtiennent réparation. Le PNUD prévoit enfin de continuer à appuyer les actions de sensibilisation sur le processus de justice transitionnelle, ainsi que le travail entamé avec le Ministère de la justice pour la réforme du système judiciaire.

Résultats attendus

Le projet de « soutien à l’opérationnalisation du processus de justice transitionnelle en Tunisie » s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations du Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion de la Vérité, de la Justice, des réparations et des garanties de non-répétition, relatives au processus de justice transitionnelle engagé en Tunisie. Il a pour objectif d’assurer que les victimes de graves violations commises dans le passé aient un meilleur accès à la vérité, à la justice, à la réparation des préjudices et que des garanties de non-répétition soient mises en place, pour l’avenir. Cet objectif sera atteint à travers les trois résultats stratégiques suivants :

 a. L’Instance Vérité et Dignité (IVD) est dotée des capacités techniques et institutionnelles requises pour devenir opérationnelle et mener à bien sa mission conformément aux standards internationaux.

 Ce volet prévoit un appui à l’installation et au démarrage des activités de l’IVD. Il inclut des actions de renforcement des capacités de cette instance pour la réalisation de ses différentes missions, notamment la recherche de la vérité, ainsi que la mise en place d’un fonds pour la réparation des victimes et d’une commission d’arbitrage et de réconciliation. Le projet aidera, en outre, l’Instance pour l’identification de mesures pouvant éviter la répétition des violations commises, y compris par la préservation et la conservation de la mémoire.

 b. Les populations et les organisations de la société civile sont formées et outillées pour le suivi et le contrôle du processus et des mécanismes de justice transitionnelle ; Les victimes, en particulier les femmes, les enfants et les catégories vulnérables, sont informées de leurs droits et accompagnées devant les différents mécanismes de justice transitionnelle.

Ce volet prévoit d’appuyer les actions de communication et de sensibilisation pour que les populations, en particulier les victimes, soient informées des enjeux et des différentes étapes et modalités du processus de justice transitionnelle. Ces actions devront s’insérer dans la stratégie de communication relative au processus de justice transitionnelle, développée en 2013 en partenariat avec le Ministère des droits de l’Homme et de la justice transitionnelle. Ce volet comprend, en outre, le renforcement du rôle de la société civile pour le suivi des activités des différents mécanismes mis en place, notamment à travers la création d’un observatoire de la justice transitionnelle.

 Le projet prévoit aussi d’accompagner les victimes devant les différents mécanismes et acteurs en charge de la justice transitionnelle (IVD, juridictions, commission d’arbitrage, police, garde nationale, etc.). Cet appui comprendra un accompagnement psycho-social, une aide juridique et une assistance judiciaire pour les dossiers particulièrement sensibles. Il sera mis en œuvre par des organisations de la société civile, en lien avec les mécanismes institutionnels existants. Ces services seront fournis en priorité aux femmes et enfants victimes, ainsi qu’aux personnes en situation d’handicap à cause des violences subies.

 c. Les capacités du système judiciaire sont renforcées de manière à permettre des poursuites efficaces contre les auteurs des violations passées et de contribuer à garantir leur non-répétition.

 Ce volet couvre l’appui aux activités visant à améliorer le fonctionnement des institutions judiciaires, notamment sur la base de la vision stratégique de réforme de la justice, en cours de formulation. Cet appui sera focalisé sur la zone pilote retenue par le projet, afin d’aider les services de police et de la garde nationale, ainsi que les différentes juridictions concernées (juridictions ordinaires, pôle judiciaire financier et juridictions militaires), à renforcer leurs capacités à traiter les dossiers des victimes et des auteurs dans le cadre du processus de justice transitionnelle.

Le projet prévoit, en outre, d’appuyer la mise en place d’un mécanisme de protection des témoins et des victimes, afin d’assurer un traitement plus efficace des dossiers sensibles et notamment ceux relatifs aux cas de corruption et de torture. Il prévoit, enfin, d’appuyer le Ministère de la justice dans la mise en œuvre du plan stratégique de réforme de la justice en cours de finalisation, ainsi que pour le renforcement des capacités des services chargés de s’assurer du bon fonctionnement des juridictions, dans les régions ciblées. Cet appui institutionnel limité vise à assurer la prise en compte, au niveau central, des améliorations des services judiciaires apportées par le projet dans les zones-pilotes.

Stratégie d’intervention et de partenariat

Le projet sera mis en œuvre en étroite collaboration avec le bureau du HCDH en Tunisie, qui dispose d’une expertise technique complémentaire, de par son mandat. Il sera exécuté en partenariat avec les organisations de la société civile nationales et internationales, en particulier pour le volet 2 relatif à l’appui à la société civile et aux victimes. La stratégie du projet intègre, à la fois, les dimensions de demande (victimes, société civile) et d’offre (IDV et services judiciaires) dans le cadre d’une approche équilibrée, assurant une place centrale aux victimes dans le processus de justice transitionnelle. Les activités en appui à l’IVD et au Ministère de la justice (volets 1 et 3 du projet) seront mises en œuvre principalement au niveau national, le siège des institutions concernées étant à Tunis. Les actions du volet 2 (sensibilisation et appui à la société civile) vont s’étendre à l’ensemble du territoire national. Certaines actions des volets 2 et 3 seront, quant à elles, focalisées sur les zone ciblées (gouvernorats de Kasserine, Sidi Bouzid, Gafsa et Le Kef), où de nombreuses violations des droits de l’Homme ont été commises par le passé, notamment durant et avant la révolution (en 2008 et 2010-11). Une mission conjointe avec le HCDH, déployée, en août 2013, a confirmé l’intérêt des acteurs locaux et la validité des pistes d’intervention envisagées.

Le projet est en cours de formulation à travers une approche participative, visant à recueillir les contributions et les besoins de l’ensemble des parties prenantes concernées, tant au niveau institutionnel (Ministère de la justice, Ministère des droits de l’Homme et de la justice transitionnelle), que de la société civile et des victimes. La présente note conceptuelle a également été élaborée en tenant compte des résultats des consultations nationales sur la justice transitionnelle, organisées en 2012 par le gouvernement et l’équipe des Nations unies (PNUD & HCDH) et des attentes exprimées par les victimes dans ce cadre. Les résultats des consultations nationales sur la réforme de la justice et de l’étude sur l’état des lieux de la demande de justice (en cours de finalisation) y seront aussi intégrés, pour mieux définir les actions à mettre en œuvre dans le cadre du volet 3  (soutien aux mécanismes judiciaires et appui institutionnel).

Synergie avec les interventions des autres partenaires

Le projet sera mis en œuvre en étroite collaboration avec le HCDH et certains projets du PNUD en cours de mise en œuvre, notamment ceux relatifs à la réforme du secteur de la sécurité, à la lutte contre la corruption et au processus constitutionnel (pour les volets 2 et 3). Un accent spécifique sera accordé à l’intégration des appuis apportés à la société civile et à la mutualisation des moyens déployés, à cet effet, y inclus le dispositif existant de suivi, de visibilité et d’accompagnement technique à la société civile.

 Dans le cadre du volet 2, le projet se propose de renforcer certaines activités en cours de réalisation par d’autres partenaires ou d’en étendre la portée aux zones d’intervention ciblées. A cet effet, les synergies à prendre en considération dans le cadre de la programmation du projet concernent principalement :

 Les activités d’ONU Femmes, de l’UNICEF, de l’International Center for Transitionnel Justice (ICTJ) pour le volet 1 concernant l’appui à l’Instance Vérité et Dignité, en particulier pour la prise en considération de l’égalité de genre et des besoins des enfants et des jeunes dans le processus de justice transitionnelle.

Les activités de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT), du Danish Institute Against Torture (Dignity), de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT), du Track Impunity Always (TRIAL) et d’Avocats Sans Frontières (ASF), ainsi que des OSC nationales, en ce qui concerne le volet 2 relatif à l’appui aux organisations de la société civile et à l’accompagnement des victimes devant les mécanismes judiciaires.

Les activités de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC), de l’Union Européenne (UE), du Conseil de l’Europe (CoE),  de l’International Development Law Organisation (IDLO), du Comité International de la Croix Rouge (CICR) et de l’International Legal Assistance Consortium (ILAC) concernant le volet 3 relatif au renforcement des capacités des mécanismes judiciaires.