Pour les habitants du Myanmar, le séisme s'ajoute à la détresse de quatre années de conflit

Le tremblement de terre de magnitude 7,7 qui a frappé le centre du Myanmar a créé une crise encore plus profonde pour un pays et un peuple qui souffraient déjà des conflits et des déplacements de population.
En marchant dans les rues de Sagaing et de Mandalay suite au tremblement de terre de magnitude 7,7, les scènes qu’il avait laissées dans son sillage étaient difficiles à comprendre.
De grands immeubles et des centaines d'habitations sont aujourd’hui en ruines. Parmi ceux qui ont résisté, nombreux sont ceux qui penchent dangereusement, défiant pour l'instant les lois de la gravité, mais qui risquent de s'effondrer à tout instant. À Sagaing, 8 bâtiments sur 10 ont été détruits et des pans entiers du pont qui enjambe le fleuve Irrawaddy se sont détachés et se sont enfoncés dans l'eau, comme le jouet cassé d'un enfant. Des fissures, assez profondes pour engloutir des voitures entières, fendent les routes.
Où que l'on regarde, des familles vivent dans la rue par des températures pouvant atteindre les 40° C. Car même si leurs maisons étaient encore debout, elles auraient peur d'y entrer.
Les maladies suivent toujours les catastrophes. À Sagaing et Mandalay, de nombreuses personnes sont obligées de déféquer dans des espaces ouverts et l'eau propre est rare. Des cas de choléra, d'hépatite et de typhoïde ont été signalés, y compris chez les travailleurs humanitaires. Les hôpitaux, déjà en manque de personnel en raison des troubles civils en cours, sont débordés et ont un besoin urgent de fournitures médicales essentielles telles que des kits de traumatologie et des antiseptiques. Les bâtiments ne sont pas sûrs et les patients sont reçus dans des parkings.
Les marchés locaux sont pour la plupart fermés et les liaisons de transport qui dépendent de routes et de ponts praticables sont gravement affectées. Lorsque des denrées alimentaires sont disponibles, elles sont extrêmement chères, et les emplois et les revenus ayant été perturbés, nombreux sont ceux qui ne peuvent même pas acheter de quoi se nourrir.
Le bilan humain est déchirant et risque de s'aggraver. Une semaine après le séisme, l'accent est mis sur le sauvetage, alors que les chances de retrouver des survivants s'amenuisent rapidement. On s'attend à ce que le nombre de morts, qui s'élève aujourd'hui à environ 3 000, augmente considérablement.
Il s'agit d'une crise absolument dévastatrice et de plus en plus profonde pour un pays et un peuple qui souffraient déjà des conflits et des déplacements de population. L'économie ravagée du Myanmar, encore sous le choc de la COVID-19, des typhons de l'an dernier et d’années de conflit, connaît aujourd’hui une hyperinflation, un taux de chômage élevé et des niveaux de pauvreté écrasants, en particulier chez les enfants. Les pauvres et les vulnérables dans le pays ne pourraient tout simplement pas s'appauvrir davantage.
Selon un rapport du PNUD, 75 % de la population, soit plus de 40 millions de personnes, vivent près du seuil de subsistance, voire bien en dessous. La classe moyenne du Myanmar s'est contractée de 50 % au cours des dernières années. Même les produits de base sont un luxe inaccessible pour la plupart des gens. Plus de 1,3 million de personnes sont déplacées à l'intérieur du pays, rien qu'à Sagaing. Elles fuient le conflit, avec très peu de moyens pour assurer leur subsistance, et ne sont jamais totalement en sécurité là où elles trouvent refuge.

À Sagaing, 80 % des bâtiments ont été détruits, y compris l'un des principaux ponts sur le fleuve Irrawaddy.
L'ampleur de la catastrophe, qui s'ajoute à une profonde vulnérabilité préexistante, exige une réponse internationale massive et soutenue.
Comme dans toutes les situations d'urgence, les besoins urgents en matière de santé, d'eau et d'assainissement, d’alimentation et d'abris doivent être satisfaits au cours des premières semaines. Mais il s'agit d'une crise où de nombreuses personnes touchées se trouvent dans des zones urbaines ou dans des régions qui pratiquaient l’agriculture, même à un niveau rudimentaire – des zones où il est important de passer rapidement de l'aide d'urgence à l'appui économique et social et à la reconstruction.
Ainsi, la fourniture de médicaments et de matériel médical doit être rapidement suivie par la mise en service des hôpitaux et des dispensaires. La distribution d'eau doit rapidement laisser place à la remise en état des infrastructures d'approvisionnement en eau. Les distributions générales de nourriture doivent être remplacées par une alimentation complémentaire ciblée et par la création d'emplois, de revenus et le bon fonctionnement des marchés. Aux abris temporaires doit succéder la réparation des logements. Surtout, la dignité et l'autonomie doivent être préservées : il convient de privilégier une main tendue en cas de besoin à une assistance perpétuelle.
Le PNUD se concentre sur deux objectifs : répondre aux besoins essentiels immédiats, tout en se tournant vers l'avenir. Au vu des dégâts considérables causés aux infrastructures, les équipes du PNUD distribuent des matériaux pour les abris, de l'eau potable et des kits solaires à quelque 500 000 personnes. Nous fournissons du travail rémunéré aux personnes pauvres et travaillons avec le secteur privé pour enlever les débris en toute sécurité et recycler ce qui peut l'être. Nous fournissons des équipements et des conseils d’expert aux travailleurs qui manipulent sans protection adéquate des matériaux dangereux tels que l’amiante. Nous fournissons des abris temporaires, évaluons les dommages aux habitations et travaillons avec les artisans locaux pour effectuer les réparations.
Mais nous créons également les conditions pour le plus long terme, en relançant les petites entreprises, en réparant les infrastructures vitales des services publics et en formant les jeunes afin qu'ils trouvent un emploi et participent ainsi à l'énorme travail de reconstruction qui sera nécessaire.
L'autre chose que j'ai remarquée en me promenant à Sagaing et à Mandalay, ce sont les anciennes pagodes et statues de Bouddha, immenses et dorées, qui sont aujourd'hui en ruines. Il n'y a pas si longtemps, elles étaient grandioses et apparemment éloignées du chaos qui engloutissait le pays. Elles symbolisaient le détachement et la compassion. L'un des principes fondamentaux du bouddhisme est l’inévitable lien de la vie avec la souffrance (Dukkha). Mais combien de temps encore la population du Myanmar peut-elle souffrir ? Et à quel point ceux qui souffrent peuvent-ils encore dépendre de la compassion des gens ordinaires et des premiers intervenants qui font de leur mieux pour soulager la souffrance ?
Tout comme les pagodes et les statues, la résilience du peuple du Myanmar ne peut être présumée ou acquise. La population a désespérément besoin de l'aide de la communauté internationale pour faire face à l'accumulation des crises. Les caméras qui sont actuellement braquées sur le Myanmar s'en détourneront bientôt. Mais il faut espérer que la crise au Myanmar ne restera pas négligée.
La communauté internationale doit s'unir pour reconnaître la détermination et le courage du Myanmar et de son peuple, et pour lui imaginer un avenir meilleur. Nous pouvons au moins essayer de faire en sorte qu'en cas de nouvelle catastrophe, le choc ne soit pas aussi violent.
Le long chemin vers le relèvement nécessitera un effort concerté pour reconstruire les infrastructures, rétablir les moyens de subsistance et répondre aux nombreux besoins des personnes vulnérables. L'attention et l'engagement soutenu du monde entier seront essentiels pour aider le peuple du Myanmar à surmonter ce chapitre bouleversant.
La réponse du PNUD au tremblement de terre au Myanmar, ainsi que son travail dans d'autres contextes de crise, est rendue possible grâce au soutien de ses principaux partenaires financiers.