À la rencontre des femmes qui s'occupent des mines terrestres et de leurs conséquences
« Le travail est peut-être difficile, mais je le fais volontiers. »
1 avril 2024
Selon les estimations, quelque 60 millions de personnes sont exposées aux risques liés aux mines et autres engins explosifs, souvent dans des zones où les conflits ont officiellement pris fin il y a des années, voire des décennies, mais aussi dans des zones où des guerres continuent de sévir.
L'implication des femmes dans la lutte contre les engins explosifs est reconnue comme étant capitale pour mettre l'action antimines au service du développement durable.
Le recrutement de femmes, un enjeu clé de la lutte contre les mines en Azerbaïdjan
« Pendant que tout le monde s'affaire le matin, je nettoie mes bottes », explique Aytan Ismayilova. Elle est l'une des premières femmes d'Azerbaïdjan à avoir été formée au déminage.
Ses bottes résistantes aux explosions font partie d’un kit comprenant une tenue de protection corporelle, un casque et une visière. Cet équipement lui offre un certain degré de protection lorsqu'elle se rend courageusement dans des zones dangereuses pour y effectuer des relevés et des opérations de déminage.
Au départ, sa mère était opposée à ce qu'elle devienne démineuse. La famille avait perdu l'oncle d'Aytan et un cousin avait été blessé dans une explosion. Elle ne s'est pas découragée et a rejoint un programme de formation organisé par l’Agence nationale pour le déminage des territoires de la République d'Azerbaïdjan (ANAMA) avec le soutien du PNUD.
« Lorsque j'ai appris que l'ANAMA recrutait des femmes démineuses, j'ai fait part à ma famille de mon souhait de postuler. Mon père m'a soutenue, mais les autres n'étaient pas d'accord. Ils pensaient que j’allais abandonner ce travail. Je suis quelqu’une d’obstinée et j'aime aller jusqu'au bout des choses », explique-t-elle.
Elle a acquis les connaissances, compétences et attitudes nécessaires pour lui permettre de reconnaître, de détecter et de marquer les mines et les engins non explosés. « Grâce à la formation, je me sens plus en confiance. En partageant ma photo de la cérémonie de remise des attestations, ma mère a écrit qu'elle était fière de moi », dit-elle.
Le déminage des terres permet aux personnes déplacées de retourner dans leurs exploitations agricoles et leurs maisons, de reprendre leurs activités quotidiennes et à l'Azerbaïdjan de faire progresser ses plans de développement. L'implication des femmes est considérée comme fondamentale. Il est essentiel de pouvoir travailler et communiquer de manière inclusive avec les communautés. L'implication des femmes leur permet également de gagner leur vie et d'avoir leur mot à dire sur la manière dont la lutte antimines est menée.
En Ukraine, les femmes jouent un rôle de premier plan dans la sécurisation des terres
En Ukraine, les femmes jouent un rôle de premier plan dans le domaine du déminage humanitaire, depuis celles présentes sur le terrain jusqu'à la Première vice-Première ministre et ministre l’Économie, Yulia Svyrydenko, qui en chapeaute la coordination.
Depuis l'invasion à grande échelle du pays par la Russie en 2022, les mines terrestres y sont massivement utilisées, de même que les bombes, les obus d'artillerie et autres sous-produits mortels de la guerre. La contamination du territoire a atteint des niveaux jamais connus en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
« Mes enfants sont la source de ma motivation. Ils vivent dans un pays devenu peu sûr à cause des mines terrestres. Mon objectif est de m’assurer que chaque centimètre carré de notre territoire est débarrassé de ces menaces », indique Oleksandra Yevdokimova, qui dirige une équipe de déminage pour le compte de l’ONG Halo Trust.
En tant qu'agence chef de file des Nations Unies pour la lutte antimines, le PNUD collabore avec le gouvernement ukrainien sur la coordination des activités de déminage, de nettoyage, d'enlèvement des débris, de sensibilisation et d'éducation du public, ou encore pour apporter assistance aux victimes. Concernant la remise à disposition des terres, le PNUD aide le gouvernement à déminer les infrastructures clés et les terres agricoles.
Le renforcement des capacités est essentiel. Au rythme actuel, il faudra aux 3 500 ingénieurs-démineurs opérant actuellement en Ukraine, plus de 20 ans pour nettoyer ne serait-ce que les terres agricoles. Oleksandra était une logisticienne sans expérience préalable avant de commencer à travailler dans le domaine du déminage il y a un an et demi.
« Le fait de marcher sur un vrai champ de mines après la formation m'a fait prendre conscience de ma capacité à faire quelque chose. Il y a des moments où mon équipe trouve des engins explosifs, les marque et passe le relais au Service d'urgence de l'État. Je me dis alors : oui, c'est cool, on a réussi », confie-t-elle.
L'impact de ces efforts va bien au-delà de l'Ukraine. Selon les estimations du gouvernement, avant la guerre, les terres aujourd'hui contaminées permettaient de nourrir quelque 81 millions de personnes, pour la plupart dans des pays à revenu intermédiaire ou à revenu faible. Rendre les terres agricoles ukrainiennes à nouveau productives en toute sécurité peut aider les familles en prise à des difficultés.
Pour accompagner les efforts de déminage, le PNUD a fourni au Service d'urgence de l'État des ordinateurs et du personnel afin de faciliter la remise à disposition des terres en recourant à l’imagerie satellitaire et l'intelligence artificielle, mais également en dotant 200 de leurs équipes d'équipements de protection individuelle, de véhicules, d'outils de déminage, de matériel de communication et d'appareils techniques. Plus de 21 000 kilomètres carrés dans six régions ont maintenant été déclarés exempts de mines, ce qui a permis de réduire les coûts de 200 millions de dollars américains à 50 millions de dollars américains.
« Je pense que l'Ukraine sera en mesure de trouver des approches innovantes pour accélérer les processus de déminage, et que nous pourrons reproduire cette expérience au profit d'autres pays confrontés aux mêmes défis. »Yulia Svyrydenko, Première Vice-premier ministre et ministre de l'Économie de l'Ukraine
Genre et action antimines en République démocratique populaire lao
Le déminage des terres dangereuses confirmées ou soupçonnées dangereuses à des fins productives est indispensable pour assurer l’inclusion sociale, politique et économique de tous les groupes, en particulier des femmes, et leur permettre de bénéficier des mêmes chances.
En RDP lao, Bua ratisse le sol pour se débarrasser des mauvaises herbes qui poussent à l'intérieur et autour du manioc qu'elle a planté. Au loin, débout près d'une hutte en bois, son mari Lom l'observe, donnant à manger à une vache de sa main gauche. Ce qui reste de sa main droite, il le garde caché.
En 2016, il coupait du bois dans la forêt lorsqu'une explosion soudaine l'a surpris. Lom a été touché par une bombe de la taille d'une balle de tennis éjectée d'une arme à sous-munitions. Cette bombe avait été enfouie dans le sol durant les 50 années précédentes.
Elle date de la deuxième guerre d'Indochine. Entre 1964 et 1973, un chargement d'armes à sous-munitions a été largué en moyenne toutes les 8 minutes sur la République démocratique populaire lao. Cela comprenait plus de 270 millions de sous-munitions provenant de bombes à fragmentation, dont 80 millions de bombes non explosées qui continuent de poser une menace réelle.
Au cours des 8 dernières années, Lom a compté sur Bua pour assurer la majeure partie des revenus de leur foyer. Les trois quarts des survivants d'accidents causés par des munitions non explosées entre 2011 et 2023 au Laos étaient des garçons et des hommes. Si les femmes sont censées assumer la charge économique de la famille, y compris l'augmentation des coûts des soins de santé, elles sont souvent exclues des consultations sur la lutte antimines et de la planification des activités y relatives.
Pour répondre à ce défi, le PNUD œuvre avec la RDP Lao pour placer l'égalité des sexes au cœur de l'action antimines. Le PNUD a également élaboré un manuel de formation sur l'égalité de genre, un code de conduite et une politique des ressources humaines dans le but de garantir une participation ouverte à tous.
Des programmes axés sur l'autonomisation économique des femmes sont également nécessaires. Bua aimerait que quelqu'un l'aide à comprendre comment elle pourrait alléger les charges économiques qui pèsent sur elle et son mari. « Je suis fière d'être sa femme », déclare-t-elle. « Je l'aime plus que jamais. Le travail est peut-être difficile, mais je le fais volontiers. »
Journée internationale pour la sensibilisation au problème des mines
Faire entendre la voix des femmes, tout en leur assurant des chances égales, y compris celle de gagner décemment leur vie, peut non seulement influer positivement sur leur rôle sur le marché du travail, mais aussi modifier les relations de pouvoir au sein des ménages et de la communauté dans son ensemble.
La Journée internationale pour la sensibilisation au problème des mines nous rappelle que l'implication des femmes présente des avantages immédiats pour elles-mêmes et leurs communautés, tout en améliorant l'efficacité de l’action antimines.