Madagascar : décentralisation et gouvernance efficace

Le tour de la question au Donak'Afon'ny TAnora avec les jeunes leaders YLTP à Manakara

22 août 2024
Les panélistes de la conférence-débat sur la décentralisation et sa réforme à Manakara le 22 août 2024

“Décentralisation et gouvernance efficace des CTD : quelles stratégies adopter?” : les panélistes de gauche à droite, M. Johnny Lemriss Ranaivoarison, économiste et technicien territorial auprès du ministère de la Décentralisation et de l’Aménagement du Territoire – M. Paulin Ramara, maire de la Commune de Manakara, M. Feno Razafinome, Directeur de la Trésorerie de Manakara, et Fara Robson, coordonnatrice du PIP Décentralisation du PNUD.

Manakara, 22 août 2024 - Dans le cadre de son engagement pour l'opérationnalisation de la réforme de la décentralisation à Madagascar, le PNUD, a soutenu l’organisation d’une conférence-débat à l’Hôtel de Ville de Manakara, en partenariat avec la Friedrich-Ebert-Stiftung Madagascar (FES) et la plateforme des alumni Youth Leadership Training Program (YLTP) et Vovonana YLTP. La thématique a porté sur la décentralisation et la gouvernance locale et et la gestion des crises.

 

Cette rencontre, qui s'inscrit dans le cadre de la sixième session du programme YLTP, a réuni des acteurs clés de la région, notamment des élus locaux, des experts en économie, en décentralisation et les jeunes leaders, ouverte au grand public. Les discussions ont mis en lumière les enjeux et défis sur la mise en œuvre du Plan National de Décentralisation Émergente (PNDE) à Madagascar. Le PNDE constitue la feuille de route des actions requises pour une décentralisation effective à travers la territorialisation des politiques publiques. 

Les participants ont souligné l’importance de renforcer les capacités des collectivités territoriales décentralisées (CTD),d’améliorer la gestion des finances publiques locales et de favoriser une plus grande participation citoyenne dans les processus de décision.

 

Le Maire de la Commune Urbaine de Manakara, Monsieur Paulin Ramara, a souligné l’importance de la décentralisation et les retombées positives qu’une commune telle que Manakara pourrait bénéficier. Il a évoqué les défis quotidiens auxquels il est confronté, notamment la forte dépendance de la commune envers l’Etat, la mauvaise gestion au niveau des fokontany et l’interférence des décisions politiques dans la gestion de la commune.

“La décentralisation n’est pas encore effective car dans la pratique, la commune n’est pas encore décentralisée au sens propre du terme car elle ne peut même pas se permettre de faire des investissements. Les subventions viennent de l’Etat central et il détermine les projets d’infrastructures à mettre en œuvre. De plus, la majorité des citoyens ne paient pas d’impôts qui constituent la grande partie des ressources de la commune lesquelles pourraient être mobilisées pour financer des projets de développement. Il faut reconnaître qu’il est encore très difficile de mobiliser les citoyens à payer les impôts alors que laCommune ne peut se contenter des subventions de l’Etat ” a regretté le premier magistrat.

 

L'économiste et technicien territorial auprès du ministère de la Décentralisation etde l’Aménagement du Territoire, Monsieur Johnny Lemriss Ranaivoarison, quant à lui, a rappelé que la décentralisation requiert un transfert decompétences et de ressources. Il a livré une analyse de ce statu quo dans la mise en œuvre de la décentralisation à Madagascar.

“ La mise en oeuvre de la décentralisation à Madagascar reste un problème majeur à cause de l’empiètement des pouvoirs des Structures Territoires Déconcentrés (STD) et des Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD). Le manque de compétences dans la gestion budgétaire et de l’administration des CTD est généralement évoqué. Ce problème devient par la suite un instrument de pression que les STD exercent sur les maires” a exprimé avec regret cet expert en intelligence économique et prospective des territoires.

 

Le Directeur de la Trésorerie de Manakara, Monsieur Feno Razafinome, a fait un survol du cadre réglementaire de la décentralisation, notamment les lois qui régissent les CTD et les finances publiques mais aussi celles relatives aux ressources des CTD. Il a souligné que les communes sont les seules structures à avoir rempli les conditions requises par les lois déterminant le statut des CTD comme les régions sont dirigées par des personnes qui ne sont pas des élues.

Il a soulevé de nombreux problèmes qui constituent un frein à la mise en œuvre de la décentralisation. Il s’agit entre autres de la déficience des moyens financiers alloués aux communes. La Commune de Manakara reçoit le Fonds de Développement Local (FDL) d’un montant de 30 millions d’ariary comme budget de fonctionnement. Il a aussi relevé la nécessité de révision des lois régissant les procédures de décaissement des fonds des CTD pour rendre sa disponibilité plus régulière. Le renforcement de capacité sur les finances publiques est encore une fois identifié comme un besoin réel sans oublier le manque d’un programme de développement répondant aux aspirations des citoyens.

 

Le PNUD, en tant qu’acteur majeur du développement à Madagascar, s’est fortement impliqué dans l’élaboration et la mise en œuvre du PNDE, depuis les concertations régionales. 

Des actions de communication et de sensibilisation autour du PNDE ont été engagées par l’État malagasy, autour de son contenu, ses défis, ainsi que les responsabilités des acteurs-clés y compris les citoyens afin d’assurer son effectivité.

 

La coordinatrice du PIP (Project Initiation Plan) Décentralisation et Territorialisation des Politiques Publiques du PNUD, Madame Fara Robson a souligné que le PNDE détaille les défis et les solutions déjà identifiés à l’issue d’une large consultation en 2023. 

Elle a rappelé qu’avec ses 164 actions, le PNDE fait de la décentralisation le moteur de l’émergence àMadagascar. Le document a été le fruit de la concertation d’acteurs étatiques, de la société civile et de techniciens. «élaboré à travers l’adoption de la Lettre de Politique de Décentralisation Emergente (LPDE) validée par la loi n°2021-011 du 18 août 202, le PNDE ambitionne une décentralisation effective à Madagascar d’ici 2030. Ceci se traduit à travers des CTD autonomes et responsables du développement de territoires viables, dans le cadre d’une gouvernance fondée sur la territorialisation des politiques publiques afin d’assurerl’émergence socio-économique durable de la nation et de tout le territoire ».

Entre autres, les objectifs à atteindre pour 2030 serait le pourcentage du budget transféré aux CTD passant de 2% à 15-20%, letaux moyen de recouvrement des impôts locaux de 20 à 60%, la Moyenne Nationale de l’Indice de Gouvernance Locale (IGL), de 4/10 à 7/10, “ autant d’indicateurs positifs qui démontrent que le PNDE n’est plus seulement au stade d’un simple projet mais des stratégies efficientes qui cadrent aux normes internationales et contribueront à l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD)”, conclut Fara Robson, optimiste.

Les jeunes leaders du programme YLTP à la conférence-débat sur la Décentralisation et ses réformes, à Manakara

En tant qu’acteurs de changement et futurs décideurs, les jeunes leaders ont un rôle essentiel à jouer dans la réussite de la décentralisation. Cette session leur a permis de mieux comprendre les enjeux de la décentralisation et de contribuer en faveur d’un développement local durable et équitable, suivis des pistes de réflexion et de solutions à travers les discussions et les échanges avec le public.

 

Le PNUD, en collaboration avec ses partenaires, poursuivra à accompagner l’État malagasy dans ses efforts pour une Décentralisation effective, en renforçant les capacités des acteurs locaux, en favorisant le dialogue entre les différents niveaux de gouvernance et en soutenant une approche inclusive du développement.