Tout ne se décide pas du fond d’un bureau. La réalité du terrain nous amène à mieux comprendre les défis auxquels les populations sont confrontées et le dicton « c’est le terrain qui commande » est une vérité incontournable. L’agriculture représente près de 40 pour cent du produit intérieur brut du Niger, et reste pratiquée par la quasi-totalité des 80 pour cent de la population vivant en milieu rural. Selon les estimations, une personne sur cinq ne parviendrait pas à satisfaire ses besoins alimentaires.
Près de 80% du territoire nigérien se situe dans le désert du Sahara. La majorité des 23 millions de nigériens vit ainsi dans les bandes sud et ouest favorables à l’agriculture. L’économie et la population du Niger sont fortement dépendantes des activités agricoles, notamment d’activités pastorales et de cultures de subsistance comme celles du mil et du sorgho. Le réchauffement climatique accentue les difficultés que rencontre le pays, faisant peser une menace permanente sur la sécurité alimentaire, le développement durable et la croissance économique.
Dans le cadre d’un travail de recherche sur les déterminants de la productivité agricole au Niger, l’équipe Accelerator Lab Niger a effectué une mission terrain du 05 au 18 juillet 2021 dans les régions de Dosso, Tahoua, Maradi et Zinder.
L’objectif de cette mission est de rencontrer les parties prenantes au niveau local pour identifier les producteurs agricoles (mil et sorgho) qui se démarquent en termes de fortes productivités appelés Déviants Positifs (DP) dans le jargon de l’étude. Il s’agit donc d’une mission de préparation de la phase de collecte de données semi-quantitatives auprès de ces « déviants positifs ». Cette recherche entre dans le cadre d’un processus mondial conduit par les Accelerator Labs du Niger, de la Somalie, du Mexique et de l’Equateur en partenariat avec la GIZ et l’Université de Manchester. En appliquant la Positive Deviance Big Data et en apprenant des Déviants Positifs, nous visons à tirer parti de l'innovation locale et à contribuer à la conception d'interventions de développement mieux informées et adaptées à leur contexte respectif.
La déviance positive part du principe que dans chaque communauté, il existe des individus ou des groupes aux comportements inhabituels qui trouvent de meilleures solutions aux problèmes que leurs pairs, tout en ayant accès à des ressources similaires. Pour trouver ces « déviants positifs » au Niger et promouvoir leurs solutions qui ont déjà fait leurs preuves dans le domaine agricole, nous allons combiner des données numériques facilement accessibles et des recherches qualitatives sur le terrain pour comprendre les déviants positifs et leurs pratiques. C’est dans cette perspective que, dans un premier temps, nous avons utilisé des images satellitaires de haute résolution et des variables structurelles (comme les caractéristiques du sol, la température, et les précipitations) pour identifier les villages de potentiellement Déviants Positifs.
Les données collectées sur le terrain confortent les hypothèses formulées à travers l’analyse des données satellitaires effectuées en amont.
Guidées par les cordonnées GPS, l’équipe Acclab Niger a visité quelques villages comme Rouda Adouwa, Guilmé, Aholé dans le département de Doutchi (région de Dosso), Dargué dans le département de Guidan Roumdji (région de Maradi) et les villages de Gabgara, Garin Malumma, Rimimi, Grin Issa Goya dans le département de Mirriah.
Les apports de la fumure organique et les entretiens réguliers des champs sont les éléments principaux qui déterminent le comportement des Déviants Positifs dans la production des céréales (mil, sorgho). Un champ bien entretenu donne de facto de bons rendements, selon les informations données par les différents acteurs sur le terrain (agriculteurs, service technique de l’agriculture, chefs de villages).
En outre, les observations directes faites sur certaines zones de culture font ressortir la prédominance des espèces végétales comme le Gao favorables à la fertilisation des sols notamment dans les villages du département de Doutchi.
La pratique de la technique de Zaï et les interventions des projets de développement expliqueraient aussi la bonne productivité des champs chez les Déviants Positifs du village de Dargué.
Suivant la même logique, l’équipe a constaté que dans le village de Rouda Adouwa, les champs appartenant à des personnes vulnérables comme les veuves seraient moins entretenus, donc moins productifs. Les champs situés sur les sols dunaires et sans amendement produisent aussi moins.
Les prochaines étapes de cette mission préparatoire seront les réalisations d’entretiens en profondeur avec les cultivateurs. Pour cela, il est prévu le recrutement des consultants pour conduire les enquêtes et collecter des données semi-qualitative (mixte) dans les différents villages abritant les Déviants Positifs dans les prochains mois. Ces enquêtes pourraient nous apporter des informations supplémentaires pour comprendre et analyser les comportements des Déviants Positifs dans la production du mil et du sorgho.