L'avenir de l'humanité est urbain et c'est particulièrement vrai en Afrique : d’ici 2050, 1,2 milliard d'Africains vivra en ville. Le continent compte trois mégapoles, Le Caire (10 millions), Kinshasa (12 millions) et Lagos (21 millions). Lagos pourrait même devenir la plus grande métropole du monde, abritant jusqu'à 85, voire 100 millions de personnes d'ici 2100.
Mais si l’histoire montre qu’urbanisation et croissance économique se renforcent mutuellement, en Afrique, l'expansion des villes entraîne souvent plus de pauvreté et d'inégalités généralisées.
C'est pourquoi les journées de l'innovation qui auront cette année lieu à Harare au Zimbabwe se concentreront sur #NextGenCities (villes de nouvelles génération) et sur les risques et opportunités stratégiques de l'urbanisation rapide de l'Afrique.
Des défis extraordinaires
Derrière les problèmes évidents de la vie quotidienne se cachent des dangers plus importants, notamment sur le long terme : le changement climatique, l'impact de la pollution atmosphérique sur la santé , le développement économique incertain et les inégalités croissantes , le manque de données sur les contextes socio-politiques de certains pays et les problèmes de gouvernance qui en découlent , les répercussions involontaires des nouvelles technologies , l'insécurité alimentaire , l'impact du développement rapide sur les écosystèmes naturels, etc.
Répondre à ces nombreux défis nécessite une remise en question de nos modes de fonctionnement actuels et un plus grand engagement dans la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).
NextGenCities
Les journées de l’innovation 2018 à Istanbul avaient déjà démontré l’efficacité des nouvelles technologies à améliorer les services des villes aux populations, que ce soit du système de surveillance en temps réel de la pollution par blockchain mis au point par Commons Impact, à l’utilisation par MetaSUB de données microbiologiques pour prédire les épidémies émergentes ou des signes de résistance bactérienne.
Les villes africaines sont un point d'entrée idéal pour aborder les questions interconnectées de la croissance économique incertaine, de l'effondrement du climat, des perturbations sociales et des lacunes en matière de gouvernance. En nous appuyant sur le Nouvel Agenda Urbain et l’Agenda 2063 de l'Union Africaine, nous explorerons à Harare les innovations déjà en cours en Afrique et celles qui pourraient encourager une croissance durable et résiliente, sans essayer de reproduire les modèles occidentaux.
L'élaboration participative de la ville
L'avenir du développement urbain en Afrique ne peut pas dépendre uniquement des États ou des investissements d'entreprises à grande échelle : il doit puiser dans la créativité, la passion et le dynamisme des communautés locales et des entrepreneurs pour créer des espaces urbains et réimaginer leur utilisation. C'est essentiel si l'on veut tirer parti de l'identité unique des villes et de la créativité des jeunes.
Par exemple, Block by Block utilise Minecraft pour donner aux citoyens la possibilité de concevoir et de recréer des espaces publics locaux ; tandis qu’i-CMiiST utilise des méthodes créatives pour explorer une mobilité plus durable.
Une approche distribuée
Les nombreuses villes africaines qui luttent après des décennies de sous-investissement doivent aussi tirer les leçons des erreurs souvent commises dans les ouvrages publics à grande échelle. Prenons par exemple l’installation électrique : il y a aujourd'hui plus de 100 millions d'Africains urbains qui vivent à proximité d’un réseau, mais qui n'ont pas de connexion électrique.
C'est pourquoi de plus en plus d'initiatives d’aménagement du territoire contribuent à stimuler le développement économique local. Mobilized Construction, par exemple, met à l'essai une approche numérique pour détecter les besoins en réparation des routes et créer des microcontrats qui peuvent être obtenus localement, souvent à une fraction du coût.
Alimentation et économie circulaire
Avec 80% de toute la nourriture globale consommée dans les villes d'ici 2050, c’est l’occasion rêvée de créer une économie circulaire autour de l’alimentation. Dans de nombreuses villes africaines, l'agriculture urbaine joue déjà un rôle important dans la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire, la protection contre les inondations et la production énergétique… mais la croissance démographique, les pressions du développement et les changements culturels pourraient annuler ces bénéfices.
Plusieurs expériences entrepreneuriales combinent de nouvelles technologies avec des produits traditionnels pour recycler et réutiliser les déchets, comme Kusini Water qui utilise des coquilles de noix de macadamia pour filtrer et traiter l'eau au travers d’un processus mobile alimenté par l’énergie solaire.
Des solutions basées sur la nature
La croissance urbaine dégrade des écosystèmes vitaux au niveau mondial, du fait de l’occupation des sols, de la pollution, des déchets et des émissions de carbone. Les villes africaines commencent à reconnaître l’importance d’intégrer les informations sur les changements climatiques dans la planification et la conception à long terme d’infrastructures ‘vertes’ qui stimulent également le développement économique et l’inclusion.
Des financements innovants, tel que le Fonds pour l'eau de la rivière Tana au Kenya, qui utilise les paiements des consommateurs en aval pour informer et aider plus de 20 000 agriculteurs à accroître les rendements tout en réduisant les coûts de maintenance de l’infrastructure d'approvisionnement en eau de Nairobi, la capitale du pays, démultiplient ces efforts.
Toutes ces innovations laissent entrevoir de nombreuses opportunités stratégiques pour les villes en Afrique, non seulement pour les industries créatives en plein essor du continent, mais également pour un avenir urbain unique.