Jankey Jassey, la révolution solaire par les femmes

Chaque matin, en sortant de chez elle, Jankey Jassey lève les yeux au ciel. « Le soleil est notre bien commun le plus précieux, en Gambie, au Sahel et partout en Afrique », dit-elle souriante . Cette source d’énergie naturelle qui, depuis toujours, rythme son quotidien, Jankey Jassey a su l’apprivoiser et en faire son métier : ingénieure en énergies renouvelables.

12 août 2024
a smiling man in a blue shirt

The Gambia

Photo: UNDP WACA

C’est à Fandema, école située à Tujereng, un village côtier à environ une heure de Banjul, la capitale gambienne, que Jankey a appris à apprivoiser le soleil. Cette école dispense un enseignement traditionnel, et figure parmi les rares en Gambie qui forment des jeunes femmes aux métiers dit “réservés aux hommes” tels que la peinture en bâtiment, l’électricité, spécialiste les nouvelles technologies, la soudure, etc.« L’idée est de les préparer à devenir compétitives au moment d’entrer sur le marché du travail », explique Malang Sambou, l’un des fondateurs.

Jankey s’y est inscrite sur les conseils de son père en 2014.  Après une formation générale, elle décide de se spécialiser dans l’électricité et les énergies renouvelables, convaincue par ses professeurs que c’est un secteur d’avenir. Elle intègre alors le prestigieux Gambia Technical Training Institute (GTTI) de 2016 à 2019. Un programme de formation professionnelle aux énergies renouvelables soutenue par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à hauteur de 300 000 dollars.

Briser les stéréotypes de genre

Au début, l’idée d’apprendre le métier d’électricien a surpris Jankey.

« Je ne pensais pas que les femmes pouvaient exercer ce type de métier. Pour moi, c’était plutôt un domaine réservé aux hommes »
Jankey Jassey, électricienne

« Il y a trois ans, je ne pensais pas être capable de monter sur le toit d’une maison pour installer des panneaux solaires, de réparer des câbles électriques ou de comprendre des systèmes électriques complexes. D’ailleurs je ne savais même pas ce que c’était », ajoute la jeune femme de 28 ans.

Changer la place de la femme dans la société et lutter contre les préjugés, un combat dans lequel Fandema s’est engagée depuis sa création en 2009. Le nombre d’étudiantes qui suivent ces formations professionnelles ne fait qu’augmenter depuis une dizaine d’années. Au total, ce sont plus de 700 femmes qui ont été formées en un peu moins de 15 ans. Et c’est notamment la filière sur les énergies renouvelables qui est la plus prisée. De 14 jeunes femmes en 2015, on en compte 32 aujourd’hui à Fandema. « Et ça continue d’augmenter.  ’C’est bien la preuve qu’il y a un véritable besoin de formation pour les jeunes femmes en Gambie. Nous avons 300 personnes sur la liste d’attente », s’enthousiasme Malang Sambou.

Jankey Jassey se sent désormais investie d’une mission : briser les stéréotypes de genre en Gambie. « À Fandema, j’ai compris que ce qu’un homme peut faire, une femme peut également le faire », affirme-t-elle avec assurance. Son but : véhiculer l'idée que les femmes ne doivent plus être cantonnées aux métiers domestiques.

Une énergie verte pour la planète

En 2019, après avoir obtenu son diplôme d’ingénieure en électrique et électronique au GTTI, Jankey a souhaité revenir dans l’établissement pour transmettre à son tour ce qu’elle a appris à ses « petites sœurs ». Elle encadre des étudiantes spécialisées dans l’installation de dispositifs solaires.

« Jankey est vraiment un modèle pour nous, nous voulons toutes nous inspirer de son parcours », confie l’une de ses élèves. Non seulement pour elles-mêmes, mais aussi pour la société gambienne,qu’elles espèrent faire avancer grâce aux énergies renouvelables.

Avec l’aide des jeunes élèves de Fandema, Jankey  installe des panneaux solaires dans toute la région, multipliant ainsi les dispositifs et plateformes multifonctionnelles d’électricité verte dans les villages. « Ils permettent aux commerçants d’avoir un accès continu à l’énergie et ainsi de développer leur activité. Une énergie verte et moins polluante pour notre planète », explique-t-elle.

L’une de ces plateformes est en service depuis 2021 dans un petit village de pêcheurs situé à Kartong, au littoral nord de la Gambie. Dans leur magasin de stockage communautaire, les pêcheurs ont désormais accès à l’électricité quasiment 24 heures sur 24 grâce à la quinzaine de panneaux solaires installés sur le toit. Ces panneaux permettent d’alimenter quatre congélateurs et une machine à glace, autant d’instruments indispensables pour maintenir les poissons au frais. « Avant cette solution, si on ne vendait pas la marchandise sur le marché, elle pourrissait au soleil, ce qui constituait un manque à gagner important. Aujourd’hui, on peut conserver le poisson bien plus longtemps. C’est une vraie révolution pour nous », affirme un pêcheur.

Grâce à leurs panneaux solaires, Jankey Jassey et son équipe reversent également 30 kilowatts heure d’énergie à la compagnie nationale d’électricité. Autant d’exemples de vies transformées grâce à l’énergie verte. « Nous les femmes gambiennes, nous devons mener cette transition énergétique. Je veux être un modèle, inspirer les générations futures. Les énergies renouvelables sont notre futur », conclut-elle.