Marc Tamba Tolno, l’homme qui apporte la lumière dans les villages de Guinée

C’est l’histoire d’un jeune homme autodidacte qui s’est lancé le pari fou d’apporter de l’électricité dans son village de Firadou, situé au cœur de la Guinée Forestière, bien loin des centres urbains. Ce pari, Marc Tamba Tolno, 33 ans, l’a réussi. Depuis 2017, une grande partie des 1015 habitants de Firadou ont accès à l’électricité. Ce petit miracle a été rendu possible grâce à une chute d’eau à fort débit, idéale pour la construction d’un micro-barrage hydroélectrique.

12 août 2024
a man wearing a helmet

Guinea

Photo: UNDP WACA

C’est une révolution dans ce village enclavé au milieu des montagnes, difficilement accessible. Il faut faire plus de deux heures de mauvaises pistes depuis la route goudronnée la plus proche pour y arriver. « Avant, la nuit, nous étions plongés dans l’obscurité comme beaucoup d’autres villages isolés du Sahel et d’Afrique. Désormais, nous avons de l’électricité presque 24 heures sur 24 », se félicite Marc.

Marc en est convaincu, le potentiel hydraulique est important pour fournir de l’électricité à toute la population. « Et surtout une source d’énergie propre et durable pour toute la communauté. Elle ne pollue ni notre environnement ni notre planète ».

Un philosophe au service de sa communauté

Lorsqu’il décide de se lancer dans ce projet, Marc Tamba Tolno n’en est pas à son coup d’essai dans le secteur des énergies renouvelables. Il avait déjà installé des panneaux solaires à Firadou, « mais cela ne suffisait pas à fournir tout le village. J’ai donc eu une autre idée : construire un micro-barrage qui alimente une centrale électrique », précise Marc. C’est en regardant des reportages scientifiques sur internet qu’il apprend comment faire. « Dès que j’avais du réseau ou que j’allais en ville, je me connectais pendant des heures sur mon téléphone. Ainsi, j’ai réuni les informations nécessaires et je me suis lancé », se souvient-il.

Pourtant, rien ne prédestinait ce jeune homme à réaliser de tels projets. Marc n’est en effet, ni ingénieur ni électricien de formation; il a suivi des études de philosophie à Conakry, la capitale guinéenne. Au lieu de poursuivre sa vie en ville, il décide de rentrer à Firadou, bien déterminé à changer le quotidien du village dans lequel il a grandi. « Nous sommes dans des lieux reculés où le gouvernement n’est pas encore venu installer l’électricité. C’est à nous d’être acteurs du changement », explique-t-il.

Une révolution à Firadou

Au début, Marc Tamba Tolno doit convaincre les habitants du village - notamment les anciens, de mettre la main à la pâte.

« Certains me prenaient pour un fou. C’était un projet ambitieux qui ne pouvait pas se faire sans l’aval de toute la communauté »
Marc Tamba, Chercheur et membre du comité de gestion de l'énergie de Firadou

Patiemment, il convainc les plus réticents et réunit les fonds auprès des habitants de Firadou qui lui permettent de débuter la construction. « Toute la jeunesse s’est impliquée dans le projet. Ils savaient que ça allait changer radicalement la vie du village », assure-t-il.

En 2017, le barrage et sa centrale électrique entrent en fonctionnement.  « Ça a changé notre quotidien », raconte Faya Saché, un doyen du village. « Nous pouvons nous éclairer, étudier le soir, charger nos téléphones portables ou même regarder la télévision. Des choses qui peuvent paraître normales en ville, mais qui, pour nous, étaient exceptionnelles ». Les gens viennent même des villages voisins pour cette électricité.

Création d’emplois

Le succès du projet de Marc et des habitants de Firadou dépasse les frontières de sa région, si bien qu’en 2021, le Programme des Nations Unies pour le développement(PNUD) décide de financer la construction d’un deuxième barrage et d’une centrale hydroélectrique plus puissante en injectant près de 250 000 dollars.  « Aujourd’hui, grâce à cela, tous les habitants bénéficient de l’électricité», assure Mamadou Ciré Camara, responsable du programme environnement et développement durable au PNUD Guinée. « De façon plus générale, ces barrages font partie d’un vaste projet que nous menons pour l’adaptation et l’atténuation des effets du changement climatique en Guinée », précise-t-il. La maintenance est assurée par une équipe de techniciens locaux, formés par le Ministère de l’Energie Guinéen. En compensation, ils reçoivent de petites primes d’encouragement. 

Ces projets ont permis de diversifier l'économie et de créer plusieurs emplois au village;par exemple, une femme a investi dans un réfrigérateur et propose des boissons fraîches  toute la journée, un jeune homme a pu acheter un poste à souder, des systèmes d’irrigation avec pompes électriques ont été créés, et des dizaines de personnes vivent de la pisciculture grâce à des bassins créés dans les retenues d’eau qui alimentent le barrage. « Les jeunes n’ont plus besoin d’aller en ville pour travailler et gagner de l’argent. L’accès à l’énergie en zone rurale est un levier de développement », ajoute M. Ciré Camara. 

Firadou sur la voie de la transition énergétique

De plus, grâce à ces deux barrages et les panneaux solaires toujours en fonctionnement, Firadou n’utilise plus d’énergies fossiles. « Avant, nous utilisions des lampes à pétrole et nos groupes électrogènes fonctionnaient au diesel. Aujourd’hui, avec l’énergie hydroélectrique, on s’en passe. Et en plus, c’est bien moins coûteux », se réjouit Marc. Et il ne veut pas s’arrêter là. « Mon ambition est de construire d’autres centrales hydro-électriques dans d’autres zones reculées, qui ne sont pas reliées au réseau national. C’est ma contribution à la transition énergétique en Guinée. Les énergies renouvelables, c’est l’avenir de notre pays comme du Sahel », martèle cet homme engagé.

Et de lancer un dernier appel : « Jeunes du Sahel, mobilisons-nous pour la transition énergétique ! ». Un appel pour dire aux jeunes qu’il est possible de changer des vies dans la sous-région. Marc Tamba Tolno en est l’exemple parfait.