Safoura Cissé, reine du noni pour une agro industrie vertueuse

Sous le soleil brûlant de la saison sèche sahélienne, foulard noué sur la tête et panier d’osier dans les bras, Safoura Cissé répète inlassablement les mêmes gestes. Se rendre au pied d‘un arbre, se baisser et en ramasser les fruits frais et très odorants tombés sur le sol, avant d’aller les stocker.

12 août 2024
a man holding a banana

Mali

Photo: UNDP WACA

Une plante peu commune aux multi potentiels
Dans son champ de deux hectares, situé en périphérie de Ségou, a près de 240 kilomètres à l’est de Bamako la capitale malienne, la jeune femme a choisi de cultiver une plante pour le moins originale. Le Morinda Citrifolia, plus couramment appelé le Noni. Un arbuste pouvant atteindre jusqu’à 6 mètres de haut produisant abondamment et rapidement des fruits ovoïdes de couleur vert clair de la taille d’un petit avocat. Des fruits contenant une forte concentration en vitamines, minéraux, enzymes, alcaloïdes, acides aminés et antioxydants.

Pour la jeune malienne de 26 ans, passionnée par la terre depuis toujours, tout a démarré en 2019. La plante est traditionnellement recommandée et consommée pour ses nombreuses propriétés antibactériennes, antivirales, antifongiques, anti inflammatoires et cicatrisantes. Safoura lance alors « Health Secret », une entreprise de production, de transformation et de commercialisation du Noni.

« Au delà du potentiel intrinsèque de la plante et du fruit, l’idée était de créer un produit à valeur ajoutée au sein d’une structure ayant de l’impact socialement, afin de contribuer à l’amélioration de la situation alimentaire et nutritionnelle des populations. Notre champ d’action croise les domaines de l’agro alimentaire et de la santé »
Safoura Cissé, Présidente de Health Secret Mali

Au Mali, la malnutrition et l’insécurité alimentaire ont causés des pertes cumulées d’environ 266 milliards de FCFA soit 4,06% du PIB national chaque année selon le bureau malien du PNUD (étude sur le coût de la faim réalisée en 2017), qui précise que des solutions alternatives crédibles à fort impact socio-économiques et environnementaux doivent être envisagées pour accompagner les politiques et stratégies nationales de lutte contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle.

Créer les conditions pour l’entrepreneuriat et  l’emploi des jeunes
Le projet de Safoura a donc rapidement rencontré l’approbation de partenaires internationaux qui l’ont aidé à se développer. En 2021 elle a bénéficié d’un fond d’amorçage d’un montant de 2 500 USD, soit près d’1 500 000 CFA dans le cadre du programme « Entrepreneuriat Jeunesse » conduitpar le PNUD et la fondation Tony Elumelu (TEF). Celui-ci vise depuis 2020 à autonomiser 10 000 jeunes grâce à un programme de renforcement des capacités en entrepreneuriat, un soutien financier au démarrage pour créer ou renforcer des entreprises innovantes, un soutien aux entreprises dirigées par la communauté et un mentorat individuel aux jeunes pour aider leurs entreprises à se développer. Le programme cible 40 % de jeunes femmes.

La somme allouée à Safoura lui a permis de mettre en place une petite unité de transformation et de conditionnement de sa production de noni. Ainsi l’entreprise de la jeune entrepreneure s’est spécialisée dans la fabrication de jus et de poudre qui figurent parmi les nombreux sous produits du fruit.

« Nous avons dores et déjà réussi le pari de créer 5 emplois à plein temps et 7 emplois à temps partiel pour les jeunes localement. Cela permet de réduire la pauvreté et le taux de chômage. Désormais notre unité de transformation a besoin d’autres équipements et matériaux pour renforcer la production et agrandir l’entreprise et poursuivre notre mission » plaide Safoura.

Une ambition économique, environnementale et solidaire 
En plus d’avoir unedétermination sans faille, la jeune femme est une tête bien faite. Elle est diplômée d’une maîtrise en anglais et en arabe à la Faculté des Lettres Langues et Sciences du Langage (FLLSL) de l’université de Bamako mais aussi d’une licence en management obtenue à l’institut des Hautes Etudes en Management (IHEM) de la capitale.

Consciente des enjeux environnementaux et de la nécessité d’une agro agriculture responsable, Safoura a doté son site de production dans le village de Banakoro, d’un système d’irrigation par micro-jet afin de rationaliser l’utilisation de l’eau et a commencé à emprunter la voie du 100% bio.

Son ambition pour la suite? Faire de son entreprise la première usine ouest africaine de transformation du noni en jus et en poudre alimentée exclusivement par les énergies renouvelables d’ici 2025.