Lutte contre les VBG

Une survivante des viols massifs dans l'Est du pays s'apprête à témoigner lors des audiences foraines
26 ans – Avocate, défenseure des droits des femmes, Mme Kabedi nous livre son parcours:
« Ce soir-là, on m’a volé mon corps. Mais grâce à vous, j’ai retrouvé ma voix. »
Je m’appelle Kabedi. J’ai 26 ans. Aujourd’hui, je suis avocate. Mais avant cela, j’ai connu la peur, le silence… et l’effondrement. Je viens d’un village reculé, où l’eau est rare, et où les femmes marchent longtemps, trop longtemps, pour atteindre une source. Un soir, il n’y avait plus d’eau à la maison. Ma mère, veuve et épuisée, m’a demandé d’y aller à sa place. J’ai vu dans ses yeux une inquiétude familière… Elle savait ce que ce chemin pouvait coûter. Moi aussi.
Jeune fille, mères et vieilles, toutes sont prises pour cibles..."Ma mère avait été violée à plusieurs reprises, devant mon père impuissant. Il n’a pas supporté cette humiliation. Il s’est donné la mort, pour échapper à la honte. Et elle, au lieu d’être soutenue, a été rejetée par la famille de mon père, tenue pour responsable du drame. Il ne restait qu’elle et moi. Deux femmes blessées. Mais encore debout.
Ce soir-là, sur le chemin de la source, quatre hommes armés m’ont capturée. Ils m’ont entraînée dans la brousse. Violée. Humiliée. Dépouillée. Je criais, encore et encore. Mais c’était comme si même le ciel avait détourné son oreille de mes cris déchirés. Je me souviens du froid de la nuit, du poids de mon corps sur la terre… et de ce silence, plus brutal encore que la violence" ajoutes elle la voix tremblante.

Bon nombre des femmes victimes des viols se libère de ce poids en partageant leur témoignage
Ce n’était pas seulement mon corps qu’ils ont volé. C’était ma voix. Mon avenir. Mon humanité. Et pourtant… une main m’a été tendue. Grâce à SOFEPADI, en collaboration avec le PNUD, dans le cadre du projet JAD financé par le Canada, j’ai été prise en charge avec une compassion que je n’oublierai jamais. J’ai reçu une écoute bienveillante, pour me reconstruire de l’intérieur. Des mots doux, là où il n’y avait eu que cris.
J’ai bénéficié de soins médicaux, d’un accompagnement juridique, pour que ma souffrance ne reste pas une statistique. Et surtout, on m’a offert une seconde chance : retourner à l’école, reprendre ma vie là où elle avait été brisée.

Les survivantes des VBG commencent par l'alphabétisation pour suivre des formations spécialisées plus tard
Je suis allée au bout de mes études. J’ai décroché ma licence en droit. Et aujourd’hui, je suis avocate, et je me tiens debout pour toutes celles qui n’osent plus lever la tête. « Le projet JAD ne m’a pas seulement permis de survivre. Il m’a redonné le droit de rêver, le courage de me relever, et la force de dire : plus jamais. »
Chaque jour, dans mon cabinet, dans les tribunaux, dans les villages, je me bats pour celles qui, comme moi, portent les cicatrices de l’invisible. À chaque témoignage recueilli, je revois mon reflet d’hier. Et à chaque victoire, je rends hommage à cette solidarité qui m’a sauvée.
À vous, qui avez soutenu ce projet… Merci.
Propos recueillis par Xaverine Kira; Analyste genre du PNUD-RDC