Par:
Moussa CAMARA
Head of Solutions Mapping
Accelerator Lab. Guinée
Dans le processus de développement du secteur de l’énergie en Guinée, le gouvernement a procédé à l’électrification des villes, préfectures et sous-préfectures. Cependant, il ressort que malgré ces énormes efforts, il demeure des manquements. Ainsi pour fournir une solution rapide et à faible coût, le brave Mamadou mettra tout en œuvre malgré toutes les difficultés vécues tant au Sénégal qu’ici en Guinée, pour monter un micro-barrage qui pour lui, servira de palliatif immédiat à la question de couverture électrique et ainsi, contribuer à l’édification de sa nation.
Grandiose, oui grandiose et ingénieux, en guinée et particulièrement dans la région de Mamou, à la quête de solutions de développement, nous avons rencontré un génie du nom de Mamadou Saliou Diallo, un autodidacte dont le niveau de formation se limite à la 5è année du primaire et désormais évoluant dans le domaine de la maintenance des téléphones et ordinateurs ; qui a réussi à monter quelques solutions qui pourraient bien améliorer les conditions de vie des populations de Timbi Madina.
Nous vous invitons à suivre comment, avec un niveau d’étude élémentaire, Mamadou Saliou est arrivé à donner forme à ses visions…
A la quête de l’Eldorado
Mamadou Saliou Diallo est natif de la région de Kindia et précisément à Koukayah, dans la sous-préfecture de Bangouyah. Face aux difficultés dans son cursus scolaire, comme d’ailleurs la plupart des jeunes de son âge, Mamadou sur proposition de son beau-frère quitte son village pour aller poursuivre ses études au Sénégal en 2005. A Louga, ville située à 218,1 Km de Dakar, motivé par l’envie de relancer son cursus, Mamadou commence par le CM1 puis après s’être fait admettre au CM2 et Contre toute attente, un courrier de son père arrive et fait tout chambouler. C’est fou comme souvent les parents peuvent nous mettre dans des situations de forte dualité. Se voir confronté à choisir entre la place où on doit être et celle où l’on veut être. Une guerre entre le respect qui leur est dût et la rébellion interne nous murmurant de fermer yeux et oreilles et foncer comme nous le montre Sadio Manet, pour ceux qui ne le connaissent pas encore ; Sadio Manet est une figure emblématique du football mondial, de l’Afrique et spécialement du Sénégal. Et fort heureusement il s’appelle Sadio, prénom pas trop loin de Saliou. Donc comme lui, Sadio Manet est natif d’un village Sénégalais avec un père imam du village qui n’a jamais accepté de voir son fils jouer au football. Vous pouvez bien essayer d’imaginer le fils de l’icône du village et de surcroit un imam, qui ne sait et ne fait que s’amuser avec un ballon rond. Impossible de concilier les deux n’est-ce pas ? Mais tenez-vous bien que Sadio Manet a fui son village pour Dakar et au final est arrivé à aller en France sans même le dire à sa mère. A date, Sadio Manet a contribué à hauteur de 234000 Euros au financement d’un lycée de son village, il est devenu un joueur incontournable de l’équipe nationale du Sénégal tout comme dans celui de Liverpool et continue à côtoyer les plus grandes figures de cette discipline. L’entêtement n’est pas forcement la mauvaise piste !
Contrairement à Manet, Etant enfant et donc vulnérable, Mamadou était horrifié à l’idée de rencontrer son père. Après plusieurs menaces proférées, il quitte l’école au profit de la coiffure qu’il apprend aux côtés de son beau-frère. Une triste réalité mise en relief par L’UNICEF dans son document « A propos des enfants en Guinée » en indiquant qu’en Guinée, malgré les énormes efforts consentis, le taux d’achèvement des écoles primaires nationales est faible, 54,1%. Celui du genre masculin et en zone rurale, catégorie dans laquelle se trouve désespérément le fragile Mamadou ; est de 40%. Véritable paradoxe dans la mesure où la Guinée dispose des deux tiers des réserves mondiales de bauxite, de l’or, du diamant, pour ne citer que ceux-là… Tout est réuni pour que les conditions de vie des populations soient soutenues mais hélas. Selon l’Institut National de la Statistique, la pauvreté touche plus de 65% de la population rurale.
Pour Mamadou, tel un renouvellement de destin et précisément dans cette nouvelle carrière de coiffeur, tout est encore possible. Il nourrit un très grand espoir de voir sa vie changer mais à ce stade, il n’a aucunement la chance de rester en raison du faible niveau de revenu journalier. Il décide donc d’en trouver plus consistant et c’est encore à travers l’aide de son beau-frère qu’il se rend à St Luis.
Disposant de seulement 900 FCFA, il se verra obligé de faire 19 Km à pieds. Prière après prière, chantonnement sur chantonnement, on le croirait un cavalier solitaire en quête de nouvel eldorado sans son cheval. Il contemple la beauté de l’horizon qui lui dicte toutes les belles imageries et possibilités, sans pour autant se perdre dans ses pensées avec le rappel fracassant par endroit, de la chaleur piquante du soleil et des mirages témoins de sa solitude. Ibn Battuta nous l’a rappelé aussi en disant « Voyager vous laisse d’abord sans voix, avant de vous transformer en conteur ». Après une bonne distance, il réussit un auto-stop qui le mène à destination. Une fois à la gare routière, il se met à chercher du travail mais sans succès et se voit contraint de passer trois jours sans s’alimenter.
Sans soutient, il se ravise et décide encore de parcourir 75 Km à pieds et heureusement pour lui, cette fois, avec bénéfice de la bonté d’un passant qui lui fait don de 1000 FCFA en vue de lui faciliter le retour vers Louga.
Les amis ça trompe un peu souvent !
Après quelques jours de son retour, une autre proposition de travail dans les champs lui est faite et Mamadou, toujours galvanisé, prend encore le chemin de la désillusion totale au point qu’à son arrivée, il est immédiatement rejeté avec prétexte que la place réservée n’est plus disponible !
Se sentant trahi et abandonné puisqu’au même moment, le naïf subit un choc impulsé par une dispute dans sa famille d’accueil. Mais il ne désespère point. Plutôt, il prend son courage à deux mains pour rallier le grand Dakar. Capitale de toutes les chances, environnement rêvé de tous les aventuriers de cette époque et de cette zone particulière ; longée de très belles plages, sans oublier les très belles filles aux allures élancées… Bref, pour Mamadou, il était impossible d’y aller et ne pas réussir.
Comme s’il le savait, il a subitement la chance de découvrir l’une des opportunités de sa vie, l’ordinateur. C’est donc par l’intermédiaire d’une connaissance qu’il entre pour la première fois, dans un cyber café dont l’accès aux ordinateurs était presque libre puisqu’il fallait juste payer pour le ticket de 150 FCFA la demi-heure ou 300 de l’heure totale, comparé au prix en Guinée.
A la faveur d’un courage renforcé de la fougue de jeunesse n’ayant rien à perdre et avec en conscience qu’il n’a aucun soutien, tant sur le plan financier que moral, Mamadou se donne à fond pour retenir le maximum d’informations livrées par les formateurs du centre. Il apprend à mémoriser rapidement les points de base fonctionnels d’un ordinateur à savoir : Démarrer, Stop et Redémarrer, click droit, click gauche et autres astuces qui lui permettent de nourrir au mieux, son amour pour la machine. Cependant, des contraintes demeurent telles que les notions relatives aux logiciels qui selon lui, requièrent plus de temps qu’il ne faut. Mais jamais notre téméraire ne s’avoue vaincu, il enchaine des dizaines de jours à travailler et peaufiner une stratégie consistant à se faire un fort réseautage et tisse ainsi, plus de liens pour bénéficier des quelques faveurs des gestionnaires de la salle de formation. Guidé par son rêve qui est de pouvoir un jour, impacter positivement son environnement en mettant en œuvre des solutions de développement conçues de ses propres mains ; notre vaillant garçon s’exercera à allumer-éteindre, allumer-taper et allumer rechercher des gadgets sur le net et de fil en aiguille, il finit par comprendre le formidable potentiel de levier que représente un ordinateur connecté. Comme le dit Winston Churchill : « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité et un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté… ».
Echelon après échelon, l’intrépide Mamadou devient un As en maintenance de l’ordinateur, des téléphones et d’autres objets connectés. Mamadou se lance dans la quête d’informations en continue et sa curiosité quant à elle, se développe de jour en jour jusqu’à l’idéation autours des innovations communautaires.
Se sacrifier à la tâche, réussir et revenir aider les siens
Après quelques années et guidé par l’envie de soulager les parents, Mamadou revient en Guinée en 2010. Les changements sont considérables et l’environnement n’est plus le même, il ne supporte guère et se retourne au Sénégal. C’est finalement vers fin 2011 qu’il décide de rentrer pour de bon mais cette fois, en explorateurs avec Boubacar Bah qui l’enverra à Timbi Madina, où il élira domicile.
Le jour de marché de Timbi Madina & de la droite vers la gauche, Mamadou Sadio Diallo et Boubacar Bah.
Timbi Madina, sous-préfecture de Pita dans la région de Mamou, réputée pour sa forte production en pomme de terre avec 70% de la production nationale contrasté par le fait que la majorité des jeunes sont exilés avec 60% des familles ayant au moins un membre concerné. Au premier contact visuel, vous vous heurtez à une apparence de ville calme ayant un impressionnant lotissement laissant voir de très belles allées entre les maisons construites en terre cuite pour la plupart et une seule exception d’immeuble de 5 étages. Les jours de marché étant mercredi et dimanche, pendant lesquels, on assiste aux cortèges de camions et voitures chargés de produits agricoles destinés à la vente en provenance des villages environnants.
Mamadou en homme d’affaire, trouve un moyen très original et innovant de se faire de l’argent. A la faveur d’un petit salon érigé en salle de maintenance, il reçoit les clients désirant dépanner leurs téléphones. Accompli, avec au coin de sa tête, son rêve ; il commence par regrouper les maigres moyens disponibles : ses économies et quelques fois, l’apport des parents pour soutenir sa petite famille, sans omettre ses amis engagés tel Mark Zuckerberg et les siens au lancement de la première version de Facebook ; quelques métaux et pièces de véhicules abandonnés collectées çà et là, qui vont lui servir d’outils pour la mise en forme de sa première construction : Le barrage hydro-électrique.
Un rêve sur mesure
Dans le processus de développement du secteur de l’énergie en Guinée, le gouvernement a procédé à l’électrification des villes, préfectures et sous-préfectures. Cependant, il demeure des manquements. Ainsi pour une résolution rapide et progressive à faible coût, le génie Mamadou, riche d’une forte expérience en électronique et mécanique, s’est donné corps et âme pour construire un micro-barrage potentiellement apte à couvrir les zones d’ombre électrique et ainsi, influer positivement sur le mode de vie des riverains.
Dans les environs de Timbi Madina, notre baroudeur a pris le temps de prospecter, sonder le terrain et est arrivé à la conclusion que pour résoudre la problématique de l’électrification, il lui fallait trouver une solution avec les composantes disponibles sur place. Quant au fonctionnement, il devrait reposer sur un principe de totale respect de l’environnement. La solution est donc esquissée sur papier, prototypée en miniature pour vérifier les accords de la thermodynamique. Les lois de la physique pour ce qui est du nombre de tours afin de garantir la stabilité du système en entier. Une première version est alors produite avec un temps de tours moyen fournissant du courant certes mais loin des attentes. Subséquemment, il revoit toutes ses copies pour finalement changer la taille de la roue afin d’impulser une plus grande dynamique entrainant plus vite les rotors inducteurs de puissance d’action aux bobines embarquées et ainsi, produire la capacité recherchée.
A ce jour, le prototype de la solution de micro-barrage, composé de métaux galvanisés entre-soudés en turbine motile sur une digue au débit hydrique considérable dont les parois initialement en béton, ont été substituées par des piliers en bois du fait d’effondrement dut au niveau de l’eau ; a réussi à générer un courant d’une capacité permettant d’alimenter 20 maisons équipées chacune seulement d’une seule ampoule d’éclairage et, selon les prédictions du cerveau Mamadou, le barrage pourrait bien être revu en remplaçant l’inducteur de courant (dynamo) par un autre plus conséquent d’une capacité de production de 250 KW. Et du fait qu’en moyenne, une maison consomme 2 KW par jour, l’on pourrait ainsi assurer l’électrification pour plus d’une centaine de maisons donc plusieurs villages à la fois.
Pour valoriser et donner suite à cette innovation, Mamadou sollicite de tous, un accompagnement dans la mesure où cette solution nous permettra de générer de l’électricité pour la satisfaction de nombreux ménages. Elle permettra à notre état de garantir une extension progressive de son réseau de couverture à moindre coût et ainsi, mettra en éveil la population qui, à partir de la disponibilité de l’électricité, pourra jouir de tous les avantages liés à l’exploitation du courant électrique tels que : la possibilité pour les enfant d’étudier après le coucher du soleil, pour les foyers de créer des PME tant formelles qu’informelles, l’installation de nouvelles entreprises industrielles dans la localité; pour ne citer que ceux-là. Tous ces avantages faciliteraient pour notre zone de déploiement un bon référencement au sein de l’administration du territoire et par ricochet, favoriserait sa croissance économique et sociale.