La jeunesse au Sénégal : de la nécessité d’adopter une approche de transformation systémique

Ceci est le premier article d’une série de blogs consacrés à la mise en place d’un portefeuille Jeunesse au Sénégal

5 août 2024
a group of people sitting at a table

Selon la Banque Mondiale, la population des jeunes en Afrique augmentera de 42% d’ici 2030 et pourrait doubler par rapport aux niveaux actuels d’ici 2055 avec 65% de moins de 25 ans. Au Sénégal, en 2023, 75% de la population a moins de 35 ans et 50% moins de 19 ans[1]. Chaque année, environ 200 à 300.000 jeunes arrivent sur le marché de l’emploi[2], tandis que l’économie formelle peine à créer 30.000 emplois pour ces jeunes[3] et que 97% des petites et moyennes entreprises évoluent dans le secteur informel[4]. Ces chiffres démontrent l’impérieuse nécessité de trouver des solutions systémiques aux problématiques de la jeunesse sénégalaise. 

Pour relever le défi, l’Etat du Sénégal a mis en place au cours des dernières années de nombreux mécanismes de promotion de l’auto emploi/entreprenariat des jeunes ( DERF/J ), l’accompagnement des petites entreprises vers la formalisation (ADEPME), l’appui à l’employabilité à travers notamment le 3FPT et l’ANPEJ. Parallèlement, l’Etat a aussi investi dans des programmes spécifiques pour la création directe et indirecte d’emplois pour les jeunes. On peut citer la Convention-nationale-Etat-Employeur.pdf gérée par la Direction de l’emploi, le programme des domaines agricoles communautaires (PRODAC), ainsi que le programme d’emploi des jeunes XEYU-NDAWYI. 

Malgré l’impact positif de tous ces programmes, de nombreuses lacunes sont notées dans la mise en œuvre de ces mécanismes notamment en termes de coordination, de mise à l’échelle de gouvernance, d’inclusivité, d’équité et de durabilité des emplois[5]. Ces mécanismes sont méconnus de la grande majorité des jeunes, surtout ceux des zones rurales[6]. Faute d’opportunités, certains jeunes finissent par se tourner vers le business des motos-taxis communément appelés Jakarta[7]. Beaucoup de jeunes sénégalais en proie au désespoir se tournent vers l’émigration clandestine. La devise tant répandue chez les jeunes, « Barça ou Barsakh » ou « Rejoindre Barcelone ou Périr » [8] , évoque assez éloquemment le manque de perspective des jeunes et leur désarroi face à leur avenir.   

Le moins qu’on puisse dire est que la situation de la jeunesse sénégalaise est très complexe et est exacerbée par des facteurs structurels politiques, économiques, environnementaux et socioculturels, alors que les réponses sont pour la plupart sectorielles, parcellaires et isolées les unes les autres. Cette situation devrait nous pousser à nous poser plus de questions dans une dynamique introspective :

  • Quel est le poids de notre action et de notre impact face à la persistance du chômage, du désarroi et de la vulnérabilité d’une bonne partie de la population jeune du Sénégal ? 

  • Ecoutons-nous les jeunes dans leurs diversités et prenons-nous en compte leurs valeurs et aspirations profondes dans l’élaboration des programmes qui leur sont proposés ?

  • Prenons-nous en compte les systèmes de pensées et les réalités informelles, familiales et les systèmes anthropologiques et sociétaux qui conditionnent les jeunes dans leur cycle de vie et leurs rapports avec le reste du monde ?

  • Est-ce que les programmes mis en œuvre préparent les jeunes à prendre leurs propres destins en main et à agir comme des acteurs de la société en les mettant au centre des politiques économiques, sociales, environnementales et institutionnelles du pays ?

  • Comment les jeunes pourront-ils davantage interagir de manière constructive et positive avec les autres générations ? 

  • Prenons-nous en compte les nouveaux phénomènes et signaux de résilience des jeunes, leurs capacités d’innovation et leurs intelligences dans un monde de plus en plus connecté, globalisé grâce aux technologies digitales ?

  • Nous arrive-t-il de nous interroger sur nos propres limites pratiques et méthodes en nous référant davantage à ce que nous savons faire de mieux, ce que les autres savent mieux faire que nous et ce que nous faisons de bien ensemble ?

La compléxité de ces questions et leurs interdépendances impliquent d’adopter une analyse transformative systémique dans une logique d’apprentissage, d’écoute profonde et de co-construction. L’approche portefeuille nous offre l’opportunité de décomposer les complexités en pièces et modules gérables dans une démarche itérative, inclusive et ouverte. Les interventions du portefeuille ont l’avantage de ne pas être fixées à l’avance dans un cadre de programmation rigide. Au contraire, elles sont susceptibles d’être adaptées, renforcées ou même supprimées en fonction de leurs preuves sur le terrain et de leur impact sur le système que nous voulons transformer. 

En nous intéressant davantage au système d’autonomisation des jeunes, notre objectif est de susciter un changement de paradigme institutionnel, économique, social, politique et socioculturel en plaçant la jeunesse au cœur de l’action et non comme un simple groupe bénéficiaire. Pour cela, nous devons redéfinir notre façon de construire le narratif autour des défis de la jeunesse et beaucoup plus entrevoir les dynamiques des systèmes de pensées sociétaux qui fondent les raisonnements des jeunes dans leurs diversités territoriales et culturelles. 

C’est à cet exercice passionnant et profond que le PNUD Sénégal invite ses partenaires gouvernementaux, la société civile, le secteur privé, les bailleurs de fonds ainsi que les jeunes eux-mêmes qui doivent être aux premières loges.

Ainsi nous faisons cap prochainement vers les jeunes du Sénégal (Dakar et sa banlieue mais aussi les jeunes du Nord et du Sud) pour les écouter et voir dans leurs parcours de vie les types de solutions qui font sens à leurs yeux. 

Restez connectés ! 
 

Aminata Ba
Head of Solutions Mapping 

Aminata.ba2@undp.org


[1] Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie ( ANSD) 2023, Recensement général de la population, 2023

[3] Thierno Malick Diallo and all, 2023, “What works for Youth Employment in Africa: A review of youth employment policies and their impact in Senegal”, Working paper.

[4] International Labour Organisation, Diagnostic du secteur informel au Sénégal, 2020

[5] Thierno Malick Diallo and all, 2023, “What works for Youth Employment in Africa: A review of youth employment policies and their impact in Senegal”, Working paper.

[6] idem