Au Tchad, les familles déplacées par le conflit retrouvent un semblant de vie normale
« Nous nous sommes sentis très bien accueillis et acceptés »
1 avril 2024
Solange Memadji, 32 ans, originaire de Kassalaré, dans la région de Hadjer-Lamis au Tchad, a grandi avec trois frères et sœurs. Elle travaillait comme agricultrice et commerçante, cultivant du riz, des tomates et des oignons, avant que sa vie ne bascule.
« Tout a radicalement changé à partir de juin 2021, lorsque mon village a été constamment attaqué par des groupes armés », dit-elle. Les meurtres, les enlèvements et les vols de bétail étaient fréquents dans les environs, en particulier dans les villages voisins comme Mittériné.
« Un jour, tôt le matin, nous avons entendu le bruit terrifiant de coups de feu. C'est alors que nous avons décidé d'abandonner nos fermes et nos biens et de partir. Nous avons fui à cause d'une peur irrésistible et viscérale ».
Solange et sa famille ont entrepris un voyage ardu jusqu’à Baltram, une ville située à 28 kilomètres de Kassalaré. Elle se souvient : « Nous avons pris la route à pied avec ma famille, et nous avions un âne pour nous aider à transporter certains de nos biens ».
Depuis 2021, Baltram a accueilli 5 600 personnes déplacées, dont 2 672 femmes et 1 802 jeunes et enfants, principalement originaires de Kassalaré, Roumaye et Tamouraye, qui ont tous été profondément affectés par le conflit armé dans la province de Hadjer-Lamis, au sud-ouest du Tchad.
Pour de nombreux habitants de ces régions touchées par le conflit, la terre a une valeur immense. Non seulement privées de leurs terres, l’un des principaux défis auxquels les personnes déplacées à Baltram sont confrontées est leur intégration au sein de leur communauté d’accueil et la reprise de leurs activités agricoles.
C’est pourquoi le gouvernement tchadien, avec le soutien précieux du gouvernement japonais et dans le cadre de la Facilité régionale de stabilisation du PNUD pour le Liptako-Gourma et le lac Tchad, a lancé plusieurs initiatives visant à faciliter l’intégration de familles déplacées.
L'objectif du projet de stabilisation est d’encourager l’intégration et la cohésion sociales, avec une attention particulière portée aux jeunes et aux femmes.
Les autorités locales, les chefs des forces de sécurité et les chefs traditionnels appelés « Boulamas », sont au cœur de l’initiative. Entre autres, les participants reçoivent une formation à la gestion des conflits et à la prévention de la violence sexiste.
Les dirigeants locaux participent à des ateliers de coordination civilo-militaire afin de renforcer leur capacité à gérer les conflits et à promouvoir la stabilité. Cette approche globale vise à relever les défis liés aux déplacements et à renforcer la collaboration et la sécurité au sein des communautés.
Depuis 2021, plus de 700 personnes ont participé aux programmes « argent contre travail » et reçu des équipements de subsistance tels que des intrants agricoles et de pêche. Plus de 500 personnes, dont plus de la moitié de femmes, ont reçu des subventions en espèces et 107 personnes, y compris des membres des forces de sécurité, ont participé à des formations et une sensibilisation au dialogue civilo-militaire, aux droits de l’homme et à la protection des civils. L'installation de lampadaires solaires à Baltram et Maloumri n'a pas seulement permis d'éclairer les rues, mais les a également rendu sûres, en particulier pour les femmes.
Le programme a fait toute la différence pour Solange. « Après avoir travaillé si dur, quitter notre maison a été une décision extrêmement difficile à prendre. Heureusement, à Baltram, nous nous sommes sentis très bien accueillis et acceptés. Nous avons reçu des terres et du matériel agricole pour nous aider à relancer nos activités agricoles. Aujourd’hui, je peux cultiver du maïs et un peu de riz, retrouvant ainsi un semblant de vie normale comme j’avais à Kassalaré. J’ai également accès à une petite école, ce qui n’était pas le cas à Kassalaré ».
Ces efforts ont non seulement porté sur le soutien aux moyens de subsistance, mais aussi sur des activités sociales visant à favoriser l’unité. Des ateliers sur la prévention des conflits ont été organisés, ainsi que des matchs de football entre les communautés d’accueil et les personnes déplacées.
Lorsque Solange a décidé de se lancer sur le terrain, elle l'a fait pour se faire des amis, mais elle s'est aussi découvert un nouveau talent.
« Lorsque j’ai été invitée à rejoindre l’équipe, j’ai tout de suite accepté car c’était l’occasion de promouvoir des échanges positifs avec notre communauté d’accueil. C’était la première fois que je jouais au football. D’habitude, ce sont les garçons qui jouent. Grâce au football, j’ai senti que nous devenions une équipe, et c’était incroyable. Je suis même devenue capitaine et j’ai gagné plusieurs tournois ».
Le succès de Solange et de son équipe leur a valu une coupe des autorités régionales de Hadjer-Lamis. Elle a non seulement retrouvé un sentiment de normalité, mais elle est aussi devenue un catalyseur de changements positifs dans sa nouvelle ville.
« Cela me donne l’espoir d’un avenir meilleur, non seulement pour moi, mais aussi pour toute notre communauté ».