À Mont-Rolland au Sénégal, un centre spécialisé veut développer l’entrepreneuriat chez les jeunes femmes vulnérables

Au cœur du Sahel, dans le petit village de Mont-Rolland au Sénégal, c’est un centre unique en son genre : le « Centre de promotion des personnes vivant avec un handicap - Anne Marie Ngone Faye ». Chaque jour, une trentaine de jeunes femmes âgées de 14 à 26 ans s’affairent autour des machines à coudre, de pépinière ou dans la cuisine. L’objectif : les former et leur permettre de s’intégrer dans le monde.

12 août 2024
a group of people posing for the camera

Senegal

Photo: UNDP WACA

Le point commun entre ces jeunes femmes du foyer est qu’elles sont laissées pour compte par la société. Certaines sont en situation de handicap moteur ou visuel,  et d’autres souffrent d’une extrême précarité économique. Elles sont toutes vulnérables, et plusieurs d'entre elles ont été victimes de violences sexuelles. « Plutôt que de rester chez elles sans rien faire, nous leur donnons la possibilité d’apprendre un métier et de s’intégrer dans la société », explique Fatou Ciss, la présidente du Centre. L’opportunité d’une seconde chance pour ces femmes cabossées par la vie.

Les jalons d’une émancipation économique

Hawa M’Bengue, 17 ans, a rejoint le centre depuis sa création en 2019. Fille d’une famille très modeste, elle a décidé de rejoindre le foyer pour se former. Dans la petite cuisine aux murs délavés, cette jeune femme discrète apprend à transformer la mangue, fruit qui pousse en abondance dans la région de Mont-Rolland, en confiture. Les pots seront ensuite vendus sur les places des marchés du village et dans les villes voisines. L’argent généré sera dédié à l’entretien du centre. « Je ne connaissais pas le processus de fabrication; il m’a fallu apprendre les bases de la cuisson de la mangue et à quelle température la faire cuire. Ce n’est pas si compliqué, j’ai vite pris la main », raconte-t-elle.

Hawa et ses camarades ne sont pas seulement formées à la transformation des fruits. Dans la pièce voisine, certaines fabriquent des savons à base d’essences locales tandis que d’autres apprennent à coudre sur des machines. Un peu plus loin, dans la pépinière, des apprenties maraîchères sont formées aux rudiments du travail de la terre. « Ainsi, elles sauront comment créer et faire fructifier un potager chez elles, et ainsi nourrir leur famille », dit une des formatrices.

Au cours des trois années d’apprentissage, les étudiantes acquièrent les bases dans plusieurs métiers. « Depuis que je suis ici, j’ai beaucoup appris, et ce, dans des domaines très différents. Quand j’ai entendu parler du centre, j’ai tout de suite voulu l’intégrer, c’était une chance pour moi de m’en sortir », confie Hawa M’Bengue. A leur sortie du centre, grâce à leur polyvalence, elles pourront développer des activités génératrices de revenus ou continuer leurs études dans une école spécialisée. 

« J’ai beaucoup d’ambitions pour ces jeunes femmes. Avec la formation qu’elles ont reçue, elles pourront, à terme, travailler au village et aider leurs parents et leurs proches à subvenir à leurs besoins ».
Fatou Ciss, la présidente de centre de promotion des personnes vivant avec un handicap - Anne Marie Ngone Faye

Reprendre confiance en soi

En autonomisant ces jeunes femmes grâce au travail, le centre les amène aussi à reprendre confiance en elles. Pour toutes, cette école représente un nouveau départ, une seconde chance dans la vie. Qu’elles soient en situation de handicap,de précarité économique ou de troubles mentaux, elles doivent affronter quotidiennement les préjugés et le regard des autres. « Jusqu’à ce que je vienne ici, je n’avais pas le sentiment de pouvoir jouer un rôle dans ma communauté. Aujourd’hui, ça a bien changé, je pense que nous avons aussi notre place, je me sens utile », témoigne une jeune élève.

Au regard de ses réussites, le centre est un modèle à répliquer dans d’autres villages du Sénégal, pays qui manque d’infrastructures spécialisées dans l’accompagnement des personnes handicapées ou vulnérables. C’est l’avis de François Samb, volontaire communautaire pour le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui apporte un appui financier et technique au centre pour son développement. « Si on veut éviter les phénomènes d’exode rural, de mendicité, d’exploitation sexuelle et permettre aux femmes d’être autonomes, il faut qu’on arrive à créer des modèles inclusifs comme celui-là qui vont prendre en compte des personnes vulnérables et leur donner une chance. On ne doit pas laisser ces personnes de côté », plaide-t-il.  

« Faire mieux que leurs parents »

Depuis sa création, plus d’une quarantaine de jeunes femmes ont été formées au « Centre de promotion des personnes vivant avec un handicap - Anne Marie Ngone Faye ». Autant de vies transformées. « Malgré leurs difficultés, je suis sûre que ces jeunes femmes iront plus loin que leurs parents », déclare la présidente Fatou Ciss dans un sourire.

Ce n’est pas la jeune Hawa N’Diaye qui dira le contraire. Dans les années à venir, elle se voit poursuivre dans la couture et, qui sait, ouvrir un jour un petit atelier à Mont-Rolland. « La jeunesse a du pouvoir pour changer les choses. Il faut y croire », conclut-elle.