À Madagascar, les femmes sont à l’avant-garde d’une révolution de l’énergie propre, alimentant leurs entreprises et éclairant une nouvelle voie pour la transformation énergétique propre du pays. Dans le cadre de l’initiative Powering Gender Equality (PGE), le PNUD soutient les femmes dans le développement de compétences en technologie solaire pour stimuler les initiatives entrepreneuriales et créer des opportunités génératrices de revenus.
Mino Rakotobe, spécialiste de l’autonomisation des femmes dans le projet AMP à Madagascar, et Evrard Karol Ekouedjen, spécialiste des énergies renouvelables au PNUD Madagascar, partagent leurs réflexions sur la manière dont l’initiative PGE s’attaque aux inégalités profondes de genre et dans le domaine de l’énergie, en dotant les femmes de compétences techniques et en transformant leur rôle dans le secteur énergétique.
Accès à l’énergie et inégalités de genre à Madagascar
Madagascar s’est fixée un objectif ambitieux : atteindre un taux d’accès à l’électricité de 70 % d’ici 2030. Cependant, cet accès reste inégal et hors de portée pour une grande partie de la population. « Seulement 37 % de la population a accès à l’électricité, avec seulement 15 % dans les zones rurales et environ 70 % dans les zones urbaines », explique Evrard Ekouedjen.
L’accès à des solutions de cuisson propre est encore plus rare: « Seulement 1 % des Malgaches ont accès à des technologies et des énergies de cuisson propre, la majorité dépendant du bois de chauffe et du charbon de bois, ce qui contribue à la déforestation du pays », ajoute-t-il.
Evrard souligne que l’accès à l’énergie est étroitement lié aux disparités économiques et de genre. « La plupart des Malgaches vivent avec moins d’un dollar par jour, ce qui les rend vulnérables à de nombreux autres problèmes », note-t-il. Les inégalités de genre font partie de ces problèmes, les femmes étant largement exclues des prises de décision au sein des ménages et du secteur énergétique formel. « Les femmes sont responsables de la cuisine, de la collecte du bois de chauffe, du charbon de bois et de l’eau, même dans les zones urbaines ou périurbaines », explique Evrard, soulignant que l’utilisation de l’énergie par les femmes est liée au travail ménager, tandis que les hommes dominent les emplois formels dans le secteur de l’énergie.
Transformer la gouvernance énergétique et autonomiser les femmes
C’est là qu’intervient l’initiative Powering Gender Equality. Ce projet ambitieux vise à renforcer la gouvernance énergétique sensible au genre, à améliorer les cadres politiques et à stimuler l’autonomisation économique des femmes. À Madagascar, les femmes ne sont pas seulement des bénéficiaires passives des solutions d’énergie propre – elles façonnent et dirigent la transformation énergétique du pays.
Un élément clé du programme consiste à former les femmes à l’installation et à la réparation de systèmes solaires, tout en leur fournissant des compétences dans les technologies de biogaz. L’initiative a déjà réalisé des progrès significatifs, impliquant 15 femmes, dont 10 de la commune de Betioky dans la région d’Atsimo Andrefana et 5 de la commune de Mahitsy dans la région d’Analamanga. « Nous avons mis en œuvre la formation pour les femmes ciblées, et l’objectif était de renforcer leurs capacités et de les rendre capables d’installer et de réparer elles-mêmes les systèmes solaires domestiques », partage Evrard.
Élargir les opportunités : biogaz et entrepreneuriat
En plus de l’énergie solaire, le programme s’étend aux technologies de biogaz. « Nous travaillons en étroite collaboration avec une ONG qui sera chargée de renforcer les capacités des femmes dans la construction et la réparation de biodigesteurs mobiles, ainsi que dans la production de cuisinières à biogaz », explique Evrard. Ces efforts fournissent aux femmes des compétences techniques essentielles et créent de nouvelles opportunités économiques.
Le programme soutient également les femmes dans le lancement de projets entrepreneuriaux. « Nous les soutenons pour qu’elles deviennent des entrepreneures dans le secteur de l’énergie », déclare Evrard. Les femmes sont organisées en groupes et reçoivent des fonds de démarrage pour acheter des kits solaires ou des composants à revendre dans leurs communautés. Une autre voie est la gestion de nano-réseaux. « Nous avons des boîtes solaires de deux kilowatts chacune que les femmes peuvent utiliser pour créer et gérer des nano-réseaux pour leurs communautés, ce qui leur permettra d’être rémunérées », souligne Evrard.
Défier les normes de genre et obtenir le soutien de la communauté

Figure 1 : Des hommes du fokontany d’Ankazombalala ayant participé à la discussion communautaire et à la sensibilisation.
Le succès du programme ne repose pas seulement sur la formation technique, mais aussi sur le soutien de la communauté. Mino Rakotobe a travaillé en étroite collaboration avec les femmes et les hommes pour adresser les normes de genre traditionnelles et encourager la participation des femmes dans le secteur de l’énergie. « Grâce à des dialogues et des séances de sensibilisation avec les hommes, nous avons pu obtenir leur soutien pour que les femmes participent aux sessions », explique Mino. « Les femmes ont souvent trop de responsabilités à la maison, nous avons donc encouragé/incité les hommes à s’impliquer davantage dans les tâches ménagères pour permettre aux femmes de participer pleinement. »
Mino a été encouragée par la réponse. « Les hommes qui étaient initialement sceptiques sont devenus des défenseurs de l’initiative. Une fois que les hommes ont vu les avantages que cela apporte pour leurs foyers, ils sont devenus plus collaboratifs et favorables à la participation des femmes à l’énergie propre », note-t-elle. Certains hommes ont même pris en charge des tâches ménagères, libérant du temps pour que les femmes puissent assister aux formations.
Renforcer la confiance et briser les barrières

Figure2 : Des participantes d'Ankazombalala en pleine formation sur les techniques entrepreneuriales et la commercialisation de matériels photovoltaïques
Pour les femmes, la formation a été transformative. « Les femmes ont plus confiance en elles et réalisent qu’elles peuvent faire autre chose que des tâches ménagères, comme installer et entretenir des systèmes solaires. C’était une grande révélation pour elles de voir qu’elles pouvaient faire ce travail technique », partage Mino.
L’impact du programme va au-delà de l’autonomisation individuelle. Il montre que l’avenir de la transformation énergétique propre de Madagascar est un avenir où les femmes dirigent, prospèrent et où tout le monde en bénéficie collectivement.
Les femmes comme innovatrices et actrices du changement
Comme le souligne Evrard, « Ces femmes deviennent des "porteuses de lumière" dans leurs communautés. En autonomisant les femmes économiquement et dans le secteur de l’énergie, nous construisons des communautés plus résilientes. »
Grâce à leur leadership, ces femmes aident non seulement Madagascar à atteindre ses objectifs en matière d’énergie propre, mais redéfinissent également ce qui est possible pour les femmes dans le secteur de l’énergie. Elles sont des innovatrices, des entrepreneures et des actrices du changement dans l’avenir énergétique propre de Madagascar.
Le projet Powering Gender Equality est rendu possible grâce aux gouvernements du Luxembourg et de la République de Corée, à travers le Funding Windows du PNUD pour l'égalité des genres et l'autonomisation des femmes.

Figure 3 : Formation pratique en installation et maintenance de systèmes photovoltaïques domestiques, tenue à Betioky en novembre 2024.